Vous êtes arrivée à la tête de l’agence Erasmus+ France/Éducation Formation en novembre 2022. Quelles sont vos missions à ce poste ?
Ma mission s’inscrit pleinement dans le cadre du programme Erasmus+ 2021-2027. Ce programme dispose de quatre axes prioritaires, ce qui est inédit. Le premier s’inscrit dans le cadre du Pacte vert de l’Union européenne : l’environnement et la lutte contre le réchauffement climatique doivent devenir incontournables dans les critères de sélection des projets. Le deuxième axe concerne la citoyenneté, le troisième l’inclusion pour des publics éloignés géographiquement ou socialement des mobilités. Enfin, la transition numérique fait partie de nos priorités.
Comment abordez vous concrètement cette transition numérique ?
Nous travaillons par exemple sur les mobilités hybrides en lien avec la Commission européenne. L’idée est de voir comment nous pouvons associer des activités virtuelles aux mobilités physiques financées par Erasmus+. Ces mobilités hybrides ont d’abord été développées dans le cadre de la pandémie pour que les étudiants ne perdent pas le bénéfice de leur mobilité lors des différents confinements. L’objectif est de les pérenniser.
Comment l’agence travaille-t-elle sur chacun des quatre axes fixés par le programme Erasmus 2021-2027 ?
L’agence a désigné un agent dédié et mis en place un plan d’actions pour chacune des quatre priorités. Cet agent collabore avec des acteurs clés sur chacun des champs, notamment par l’intermédiaire du cercle Erasmus+, qui inclut des experts de différents secteurs. Parmi les mesures mises en place pour les bénéficiaires, on peut notamment citer les points accordés à la candidature de projets qui répondent à ces différentes priorités. Ces points sont attribués par nos évaluateurs externes lors de l’examen des candidatures : seuls les projets qui obtiennent de bonnes notes sont financés. Nous mettons également en place un forfait inclusion (100 à 250 euros par mois) pour soutenir les apprenants en difficulté. Enfin, un complément financier « green » peut être attribué en plus de la bourse Erasmus+ afin, par exemple, de couvrir le surcoût du train par rapport à l’avion. En plus de ce forfait, la bourse est indexée sur une durée un peu plus longue pour prendre en compte le temps supplémentaire de transport lié au choix d’un mode de transport éco-responsable.
Quel est le rôle du cercle Erasmus+ que vous mentionnez ?
Le cercle Erasmus+ est le conseil d’orientation de l’agence. Il est présidé par Jean Arthuis, le président d’Euro App Mobility, et composé de personnalités qualifiées, représentatives de la société civile dans toutes ses composantes et engagées dans les domaines de l’éducation, de la formation et de l’Europe. Le cercle émet des orientations en lien avec les priorités européennes et nationales sur l’éducation, l’enseignement supérieur et la formation. C’est un organe indépendant d’appui à la direction du groupement d’intérêt public (GIP) Erasmus+ France/Education Formation. Il est amené à conduire des actions et à communiquer librement dans l’intérêt du GIP et du programme Erasmus+.
En 2023, le budget d’Erasmus+ France va passer à 295 millions d’euros. Comment ces fonds vont-ils être répartis ?
Sur cette somme, 259 millions seront dédiés à la mobilité des apprenants et des personnels, et 36 millions iront aux partenariats de coopération et aux partenariats simplifiés. Sur l’ensemble de la période 2021-2027, nous atteindrons au total 2,2 milliards d’euros.
Pour beaucoup de gens, Erasmus ne concerne que les étudiants. Comment faites-vous pour valoriser les autres projets auprès du public ?
Dans notre communication, nous valorisons les secteurs et thématiques moins connus du public. Avec l’ancienneté du programme Erasmus et le capital sympathie en France d’un film comme L’Auberge espagnole, nous avons un peu de travail. Notre équipe communication travaille pour sélectionner et faire connaître les projets illustrant la diversité des opportunités du programme et la multiplicité des acteurs. Auprès du grand public et des plus jeunes, des campagnes ont été menées cette année sur Tiktok et Instagram, en collaboration avec sept influenceurs.
La guerre en Ukraine a-t-elle conduit à des aménagements du programme Erasmus+ ?
La Commission européenne a mis en place différentes mesures pour soutenir les réfugiés ukrainiens qui arrivent au sein de l’Union européenne. Le programme Erasmus+ s’est donc adapté pour les accueillir : ces réfugiés peuvent prétendre à une aide financière, qu’ils soient élèves, étudiants, enseignants ou apprentis. L’agence permet par ailleurs l’accueil des élèves ukrainiens dans les établissements d’enseignement et de formation impliqués dans les projets de coopération Erasmus+ : nous favorisons alors une utilisation flexible du financement des projets. Nous pouvons également envoyer des personnels qualifiés de manière temporaire dans les établissements où ces réfugiés sont présents. Enfin, les établissements qui bénéficient de projets Erasmus+ en cours dans les domaines d’inclusion et d’intégration peuvent, sur la base du volontariat, réaffecter une partie de leurs fonds au soutien d’activités destinées aux réfugiés ukrainiens.
La Commission européenne a récemment annoncé que l’utilisation de la carte étudiante européenne avait plus que doublé en un an : est-ce pour vous une bonne nouvelle ? Comment cette expansion peut-elle bénéficier à votre travail ?
Avec la dématérialisation des dossiers, l’utilisation de la carte étudiante européenne allège la charge de gestion des établissements et facilite les démarches des étudiants : accès aux services, CNOUS (Centre national des œuvres universitaires et scolaires, Ndlr), etc. Cet essor devrait participer à lever un frein lié à la complexité des démarches pour partir en Erasmus+, et accompagner la montée en puissance du programme avec un nombre de dossiers croissant.
> Nelly Fesseau, de la culture à l’enseignement supérieur
Arrivée en octobre 2022 à la tête de l’agence Erasmus+, Nelly Fesseau n’en est pas à son premier poste dans le domaine de l’enseignement supérieur. Mais c’est dans le monde de la culture qu’elle a fait ses armes. Ainsi, au début de sa carrière, elle occupe le poste de secrétaire générale adjointe des musées de la communauté urbaine de Strasbourg (Bas-Rhin) entre 1992 et 1997, avant d’être chargée de mission auprès de la présidence direction générale de l’établissement public du Parc et de la Grande Halle de la Villette (Paris). En 2000, Nelly Fesseau est nommée directrice du groupement d’intérêt public CNC Cinémathèque française Bifi (Bibliothèque du film), puis directrice adjointe des finances et du juridique du musée du Louvre à compter de 2004. Enfin, entre 2007 et 2009, elle dirige la mission du contrôle de gestion ministériel du ministère de la Culture.
Le passage vers l’univers de l’enseignement supérieur intervient en 2009 : elle devient alors directrice adjointe de l’École nationale supérieure des arts décoratifs, puis directrice adjointe chargée de la formation permanente à l’ENA dès 2010. En 2014, elle est nommée secrétaire générale à l’agence universitaire de la francophonie. L’année suivante, Nelly Fesseau rejoint le secrétariat général du ministère de l’Éducation nationale en tant qu’experte de haut niveau auprès de la mission de la politique de l’encadrement supérieur. En 2020, elle est nommée inspectrice générale de l’Éducation, du Sport et de la Recherche, poste qu’elle occupe jusqu’à sa nomination à la tête de l’agence Erasmus+.