Français à l’étranger: Vous êtes arrivée à la tête de l’AFE il y a un an. Quels ont été les principaux chantiers de l’année 2022 ?
Hélène Degryse: Dans mon rôle de conseillère des Français de l’étranger, j’ai de nombreux sujets qui me tiennent à cœur. Je travaille notamment depuis longtemps sur la question des violences faites aux femmes. J’avais fait remonter ce sujet à l’AFE précédente pour que nous puissions nous emparer ensemble de cette thématique et organiser des auditions d’acteurs qui travaillent sur ce sujet. Depuis que je suis présidente de l’assemblée, ce travail se poursuit et a gagné en visibilité. Nous demandons par exemple que les numéros d’urgence soient plus visibles sur tous les sites de l’administration.
J’ai aussi souhaité, lors de la session AFE d’octobre 2022, organiser une table ronde sur le sujet du sexisme et de la parité. Cela n’avait jamais été fait. Cette table ronde a permis de libérer la parole et de moderniser l’image de notre assemblée, en phase avec les grandes thématiques du moment.
Nous avons une assemblée toujours majoritairement masculine, il était donc important de sensibiliser sur ce sujet, surtout que certaines élues ont fait l’objet par le passé de remarques et comportement déplacés. Nous sommes par ailleurs en train de mettre en place une cellule de règlement des conflits au sein de l’AFE. Il va falloir former les élus qui en font partie.
Français à l’étranger: Un autre chantier important concerne le statut des conseillers de l’AFE…
Hélène Degryse: Oui. La réforme de 2014 a augmenté le nombre d’élus en créant les conseillers des Français de l’étranger, tout en maintenant les conseillers AFE. Mais en parallèle, les indemnités ont été diminuées et l’AFE s’est retrouvée sans moyens propres. Aujourd’hui, les élus de l’assemblée utilisent leurs propres deniers pour financer entièrement leurs déplacements et le séjour à Paris. Les élus qui ne sont pas fonctionnaires d’État doivent poser des congés personnels et ne peuvent exercer leur travail. Nous sommes probablement les seuls élus de la République à devoir payer pour exercer notre mandat correctement. Cela me semble inadmissible et dangereux car cela nous met à la merci de tentatives de corruption variées… Avoir des moyens propres s’avère donc primordial pour que nous puissions nous émanciper et faire remonter les sujets importants pour les Français de l’étranger. Car à l’AFE, nous avons un rôle de « lanceurs d’alerte » auprès des représentants nationaux.
Français à l’étranger: Sur quels sujets avez-vous justement alerté l’administration au cours des derniers mois ?
Hélène Degryse: En fin d’année, nous avons adressé un courrier au ministre pour que les 100 créations de poste annoncées au sein du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères ne soient pas réservées seulement à l’administration centrale, ce qui risque d’être le cas. Or, sur le terrain, nous voyons qu’un certain nombre de services sont réellement en souffrance. Nous alertons régulièrement au sujet des besoins sociaux de nos communautés. En Europe par exemple, nous dépendons des aides du pays d’accueil mais il y a des trous dans la raquette, un exemple récent nous a été partagé par Nadine Fouques-Weiss, élue d’Allemagne, au sujet de l’aide Covid que ne touchaient plus certains de nos compatriotes qui en avaient pourtant besoin.
Français à l’étranger: L’ordre du jour de la 38e session plénière de l’AFE est-il arrêté ?
Hélène Degryse: Pas dans le détail. Mais nous avons d’ores et déjà décidé que le groupe de travail qui prépare un projet portant sur la réforme de l’AFE présentera ses conclusions en mars, après avoir rendu un rapport intermédiaire mi-janvier. Ce travail doit ensuite nous permettre de faire des recommandations à l’administration.
Avec les présidents des commissions, nous souhaitons par ailleurs organiser une séquence qui aborde un sujet concernant l’ensemble des Français de l’étranger, à l’image de celle qui portait sur le sexisme et la parité. Ce format a bien fonctionné et plusieurs élus souhaitent donc le reproduire pour une prochaine table ronde qui devrait porter sur la francophonie.
Enfin, l’urgence climatique reste l’une de nos priorités pour 2023. Comme nous avons constaté le succès de la fresque du climat qui avait été lancée par la commission du développement durable et du commerce extérieur, nous souhaitons en faire profiter plus largement les Français de l’étranger et travaillons sur un projet de fresque en ligne et une brève séquence relative au climat en plénière. Cette commission a par ailleurs remis en place le « prix du développement durable » qui n’avait été décerné qu’une seule fois. Les contours de ce prix seront annoncés en mars et il sera vraisemblablement remis lors de la session d’octobre 2023.
Français à l’étranger: Lors de la dernière session plénière, vous avez expliqué que l’AFE doit améliorer sa communication. Auprès de qui ?
Hélène Degryse: Il s’agit de faire davantage connaître le rôle et les actions de l’AFE auprès des Français de l’étranger, de leurs 442 conseillers mais également des parlementaires, des ministères et de toutes les instances politiques. Cela passe notamment par notre site internet, que nous souhaitons moderniser. Avec le bureau nous avons par ailleurs souhaité qu’une infolettre de l’AFE soit envoyée aux élus, et c’est une réussite. N’ayant pas de budget propre à allouer à cette communication, nous avançons progressivement avec des moyens simples. J’ai par exemple créé avec les vice-présidents de l’AFE – Ramzi Sfeir et Alexandre Bezardin – une boucle Telegram dans laquelle les conseillers des Français de l’étranger peuvent suivre nos actions. J’ai également eu un premier contact avec le Conseil économique, social et environnemental (Cese) avec qui nous aimerions davantage travailler.
Concernant nos relations avec les parlementaires, nous avons demandé à être auditionnés lors de chacune de nos sessions par le groupe d’études du Sénat intitulé « Statut, rôle et place des Français établis hors de France » et présidé par le sénateur Ronan Le Gleut. L’objectif est que nos retours de terrain soient directement repris par les parlementaires et qu’ils puissent ensuite défendre nos résolutions. Enfin, les sessions plénières nous donnent l’occasion de mettre un coup de projecteur sur notre assemblée. Lors de celle d’octobre 2022, le ministre Olivier Becht était très présent et a pu suivre attentivement nos travaux. En sa présence, l’AFE est d’ailleurs allée raviver la flamme du Soldat inconnu : c’est une manière de montrer que, même si nous sommes loin de la France, nous portons ses valeurs et restons attachés à son histoire.
Français à l’étranger: Les prochaines élections sénatoriales auront lieu en septembre 2023. Cette échéance va-t-elle bouleverser d’une façon ou d’une autre le travail de l’AFE ?
Hélène Degryse: L’AFE doit rester concentrée sur ses objectifs, peu importe les échéances électorales, surtout que depuis la réforme les sénateurs ne font plus partie de notre assemblée. Certains viendront peut-être faire campagne auprès de nous mais j’espère que cela ne perturbera pas notre travail. En amont de ces élections, je souhaite surtout que la session de mars soit sereine et productive.