Français à l’étranger : Quels seront les grands enjeux de votre commission pour la prochaine session plénière de mars 2023 ?
Renaud Le Berre : Nous allons revenir naturellement sur la loi de finances, analyser les différences entre le projet de loi d’octobre 2022 et son exécution en 2023. Il y a notamment un rapport qui sera rédigé concernant la situation financière de l’AEFE. Nous travaillerons aussi sur le budget du parc immobilier français à l’étranger. Autre chantier: la question plus spécifique de la fiscalité qui est assez difficile à cerner. Nos compatriotes se déplacent, télétravaillent, il y a différentes conventions fiscales, des accords européens, etc. Nous n’avons pas la possibilité de changer la fiscalité ou de négocier des conventions, mais nous avons un rôle d’information, et parfois de lanceurs d’alerte quand il y a des problèmes. Ceux-ci nous sont signalés par des remontées de terrain de nos collègues, de nos relais conseillers et associatifs, mais aussi directement par nos compatriotes français de l’étranger. C’est pour eux que nous travaillons. Ils nous interpellent souvent, directement ou par réseau pour soulever des problèmes. Cela fonctionne très bien comme ça, plus que nos noms affichés sur la page des consulats qui ne nous font pas beaucoup de publicité.
Français à l’étranger : La présidente de l’AFE Hélène Degryse souhaite justement davantage médiatiser le rôle des conseillers de l’Assemblée…
Renaud Le Berre : C’est une très bonne idée. Nous avons un déficit de notoriété assez flagrant et j’essaie d’expliquer à mon modeste niveau l’importance des conseillers : notre travail a une utilité publique, nous compensons, nous pallions les insuffisances du service public à l’étranger. Je pense par ailleurs qu’au regard du manque de moyens, nous produisons quand même un travail de grande qualité en tant que conseillers. Nous générons des bénéfices sociaux incalculables, nous avons parfois un rôle d’assistant social pour accompagner les gens au quotidien parce que les consulats ne peuvent plus le faire. Mais le budget de l’AFE a été fortement réduit. Des conseillers doivent démissionner parce qu’ils n’ont pas les moyens de venir, donc ils cèdent leur place, il y a un turnover assez important. C’est triste de voir que des gens qui ont la légitimité des élections ne peuvent pas exercer leur mandat faute de moyens. L’idée n’est pas de gagner de l’argent mais d’être au moins indemnisés en fonction du travail que nous réalisons et d’être aidés sur le plan logistique.
Français à l’étranger : Toujours en matière de budget, que pensez-vous de celui qui est alloué aux consulats ?
Renaud Le Berre : Au niveau des consulats, le manque de moyens est important. Tensions budgétaires, manque d’agents, de moyens matériels: tout cela est très visible. Le ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE) a perdu quelque 30% de masse salariale en vingt ans, ce qui est énorme. Comme les consulats et les services publics à l’étranger ferment, il est difficile maintenant pour les Français de l’étranger d’exercer leur citoyenneté française. Avant, les binationaux étaient très attachés à la France mais dans le contexte actuel, ils ne vont plus demander de passeports français et perdent petit à petit l’exercice de leur citoyenneté. Cela va même parfois plus loin : j’ai eu des cas de personnes en Espagne dont le compte en banque était bloqué et qui ne percevaient plus leur pension de retraite parce que leurs documents n’étaient pas à jour. On pense que ce sont des détails mais ce sont des situations très compliquées pour les Français de l’étranger.