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Laetitia Dive
8 février 2023

« L’éducation est un vecteur d'influence et de rayonnement pour la France » (Olivier Becht)

Soutien à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, service France consulaire, résidence de repli: Olivier Becht, le ministre délégué auprès de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger répond en exclusivité aux questions du Journal des Français à l'étranger.

Français à l’étranger: Le budget pour 2023 a été adopté mi-décembre par le Parlement : celui dédié aux Français de l’étranger et aux affaires consulaires passe de 374 millions à 391 millions d’euros en crédits de paiements, tandis que la subvention à l’AEFE passe de 417 à 447 millions d’euros dans le programme diplomatie culturelle et d’influence. Est-ce suffisant et comment ces fonds vont-ils être répartis ?

Olivier Becht: C’est un budget très conséquent et en augmentation, en particulier pour l’enseignement car il s’agit là de l’une de nos priorités. Le service public consulaire dispose de son côté de 1,1 million d’euros supplémentaire, notamment pour soutenir le déploiement du dispositif Service France Consulaire. Un million supplémentaire est également alloué au social dans le cadre de la solidarité qui s’exerce au niveau consulaire via les Conseils consulaires pour la protection et l’action sociale (CCPAS) et l’action des organismes locaux d’entraide et de solidarité (OLES).

Français à l’étranger: Le gouvernement souhaite poursuivre l’objectif du doublement du nombre d’élèves dans les établissements français de l’étranger d’ici 2030. Où en est-on en ce début d’année 2023 ?

Olivier Becht: Nous comptons aujourd’hui 567 établissements, soit 72 de plus qu’en 2019. En septembre 2022, un peu plus de 390 000 élèves y ont fait leur rentrée. Pour atteindre le chiffre de 700 000 élèves en 2030, nous misons sur l’extension du nombre de places dans plusieurs de nos établissements existants, qu’ils soient en gestion directe, conventionnés ou en partenariat. Nous développons en parallèle une stratégie de prospection afin de trouver de nouvelles écoles susceptibles d’intégrer le réseau. Tout cela se fait avec une grande exigence quant à la qualité de l’enseignement. Car notre ambition première demeure inchangée : faire en sorte que les enfants des Français de l’étranger aient accès à une scolarité la plus proche possible de celle qu’ils auraient pu avoir en France, et ouvrir aussi le plus de places possibles aux nationaux des pays de ces établissements. L’éducation est en effet un vecteur d’influence et de rayonnement pour la France, ses valeurs et son mode de vie.

Français à l’étranger: Pour armer ces établissements en professeurs, comment travaillez-vous avec l’Éducation nationale pour le déploiement de professeurs à l’étranger ?

Olivier Becht: Il existe deux types d’enseignants dans le réseau AEFE. D’abord les enseignants détachés qui dépendent de l’Éducation nationale avec laquelle nous sommes en dialogue permanent. Ensuite, nous avons beaucoup d’enseignants en contrats locaux : ils sont formés pour fournir un enseignement de la même qualité que celui d’un enseignant détaché. Depuis le 1er janvier 2023, seize instituts régionaux de formation répartis à travers le monde sont d’ailleurs opérationnels pour assurer ces formations d’enseignants, y compris pour les établissements conventionnés ou en partenariat. J’irai visiter l’un de ces instituts dans les prochains mois.

Français à l’étranger: Certains parents et enseignants craignent l’érosion de l’enseignement « à la française » avec ce recrutement d’enseignants en contrats locaux et qui sont formés loin de l’Éducation nationale : que répondez-vous à cela ?

Olivier Becht: J’ai rencontré ces derniers mois un certain nombre de professeurs en contrats locaux qui excellent dans leur travail. Il faut être, bien sûr, très attentif au moment des recrutements : nous souhaitons des profils qui puissent, à l’issue de leur formation, parler parfaitement français et enseigner leur matière avec pédagogie, dans le respect des valeurs de la République. Ces formations sont évidemment plus simples à mettre en œuvre dans les pays francophones. Quand l’enseignant parle déjà bien la langue, cela permet de se concentrer davantage sur le reste.

Français à l’étranger: L’inflation qui sévit dans de nombreux pays du monde met certaines familles dans des conditions difficiles, notamment pour le versement des frais de scolarité. Les bourses scolaires attribuées par l’AEFE vont-t-elles évoluer en conséquence ?

Olivier Becht: Des efforts de consolidation des budgets ont été faits. Nous souhaitons désormais que la solidarité s’exerce à travers le système des bourses et j’ai demandé à l’AEFE d’examiner très attentivement tous les dossiers pour soutenir les publics prioritaires, nous n’avons jamais laissé tomber personne. Ce qui est sûr néanmoins, c’est que nous ne pourrons pas prendre en compte tous les niveaux d’inflation, qui sont très disparates à travers le monde.

Français à l’étranger: L’un de vos autres projets prioritaires, c’est le déploiement du service France Consulaire. Où en êtes-vous du déploiement ? Sachant que le calendrier initial prévoyait un déploiement complet « d’ici fin 2022 » dans les pays de l’UE.

Olivier Becht: Nous avons quasiment atteint cet objectif. Dix-huit pays sont aujourd’hui accessibles sur France Consulaire, le dernier étant la Pologne où le service a été mis en place en décembre 2022. Aujourd’hui ce service marche bien : sur l’année 2022, 97% des usagers se disent satisfaits. Sa montée en puissance va donc se poursuivre en essayant de maintenir ce niveau de satisfaction. Courant 2023, le service couvrira toute l’Europe. En 2024, nous espérons élargir à tous les pays qui sont sur les mêmes fuseaux horaires que le continent européen. Enfin, entre 2025 et 2026, France Consulaire sera déployé dans le reste du monde. Cette montée en puissance s’accompagnera d’une augmentation des effectifs pour garantir la même qualité de service à chaque étape.

Français à l’étranger: Le développement de ce service sera-t-il synonyme d’une baisse des effectifs dans les consulats comme le craignent certains représentants des Français de l’étranger ?

Olivier Becht: Non, l’heure est d’ailleurs plutôt à la hausse : pour la première fois depuis 1993, les effectifs du ministère de l’Europe et des affaires étrangères vont augmenter avec 106 équivalents temps plein (ETP) en 2023. Plus d’une centaine de redéploiements internes sont par ailleurs prévus. La ministre Catherine Colonna a aussi annoncé qu’au total, 118 ETP seront redistribués à l’étranger, dont une partie ira au réseau consulaire. Quant au service France Consulaire, il permet plutôt de libérer du temps pour les agents des consulats qui pourront ainsi se concentrer sur d’autres services, mais en aucun cas il ne les remplace.

Français à l’étranger: Cela fait bientôt un an que le registre électronique d’état civil a été lancé. Quel bilan en faites-vous ?

Olivier Becht: J’ai de bons échos de la part des Français de l’étranger comme des agents du service. Pouvoir disposer d’un document numérique pour les différents types d’actes -de naissance, de mariage, de décès, etc.- facilite beaucoup la vie des Français de l’étranger, surtout que cet acte est généralement délivré très rapidement. Je tiens néanmoins à ce que la dématérialisation ne soit pas une contrainte pour les personnes qui n’ont pas accès au numérique : ces solutions sont plébiscitées mais elles ne doivent pas devenir exclusives et l’accueil dans les consulats va perdurer quoiqu’il arrive. C’est la même chose pour l’expérimentation qui doit être lancée cette année au Canada et au Portugal de dématérialisation totale de la procédure de renouvellement du passeport : les Français qui préfèrent se rendre physiquement au consulat pourront toujours le faire.

Français à l’étranger: Le vote électronique a été mis en place à plusieurs reprises pour les Français de l’étranger lors d’élections récentes. Le dispositif va-t-il être pérennisé et étendu ?

Olivier Becht: Le vote électronique a bien fonctionné pour les élections législatives et consulaires. Nous observons d’ailleurs qu’il favorise la participation électorale. L’objectif est donc de répéter l’expérience lors des prochains scrutins, avec un point d’attention particulier : quand une élection est invalidée [comme au Canada récemment lors des élections des conseillers consulaires de Montréal (Québec), Moncton (Nouveau-Brunswick) et Halifax (Nouvelle-Écosse), ndlr], il faut rouvrir le scrutin dans la circonscription. Or, l’organisation est confiée à des prestataires avec lesquels nous sommes liés par contrat qui peut être échu lors de l’invalidation. J’ai donc demandé à la direction des Français à l’étranger et de l’administration consulaire (DFAE) de travailler sur le sujet pour trouver des solutions pérennes tenant compte de cette éventualité

Français à l’étranger: Le programme du candidat Emmanuel Macron annonçait la création d’un statut de « résidence de repli ». Il s’agit d’une avancée favorable pour les Français établis à l’étranger qui conservent un bien immobilier dans l’Hexagone puisqu’elle leur évite que ce bien soit qualifié de « résidence secondaire », synonyme de davantage de charges. Où en est ce projet ?

Olivier Becht: Il s’agit d’un engagement du Président de la République dont les modalités ne sont pas encore définies. L’enjeu est de pouvoir donner une définition au concept de « résidence de repli ». Il est facile d’expliquer qu’un Français résidant dans un pays en guerre ait besoin de conserver un domicile où se replier en France, et que ce statut l’exonère du paiement de la taxe d’habitation. C’est nettement plus compliqué à justifier dans certains autres cas. Nous devons donc résoudre ce problème pour créer une mesure qui soit conforme à notre Constitution.

Français à l’étranger: Vous êtes également ministre du commerce extérieur. Le sujet du développement durable est-il aujourd’hui suffisamment pris en compte dans les échanges commerciaux ?

Olivier Becht: Nous sommes en tout cas en train de vivre une révolution en matière de politique commerciale. Pendant très longtemps, la politique commerciale reposait sur l’idée du libre-échange selon un principe d’efficacité, et les conditions dans lesquelles les produits étaient conçus importaient peu. Aujourd’hui, la politique commerciale pilotée par l’Union Européenne se fonde sur le respect : des accords de Paris sur le climat, des mesures de lutte contre la déforestation et de protection de la biodiversité, des normes sociales -notamment celles touchant au travail forcé-, et enfin des normes sanitaires, environnementales, fixées par l’Union Européenne. Ces dernières donnent lieu à des « mesures miroirs », qui imposent les mêmes règles aux producteurs français comme étrangers qui vendent leurs produits en France. En outre, toutes ces préoccupations sont désormais prises en compte dans les traités de commerce que nous signons.

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