L’Asie du Sud-Est est une région du monde en pleine mutation. Même si l’on assiste encore à des disparités importantes entre les pays les moins avancés (Birmanie, Cambodge, Laos) et ceux à revenus intermédiaires (Indonésie, Philippines, Vietnam et Thaïlande), les États appartenant à l’Asean se retrouvent autour de sujets communs. La région est notamment particulièrement exposée aux conséquences du changement climatique et à la montée des eaux le long de ses côtes. Du fait de sa croissance, elle doit faire face également à une demande de plus en plus importante en énergie. De ce fait, elle connaît une très forte pression sur ses ressources naturelles, notamment le charbon.
C’est en 1967 que l’Asean voit le jour. L’association des nations d’Asie du Sud-Est est alors créée par cinq pays. En se regroupant, ils cherchaient en premier lieu à combattre le communisme et à afficher leur neutralité vis-à-vis des acteurs de la guerre froide. Plus d’un demi-siècle plus tard, l’Asean rassemble aujourd’hui dix pays d’Asie du Sud-Est, à commencer par les cinq fondateurs historiques de 1967 : Philippines, Indonésie, Malaisie, Singapour, Thaïlande. Ils ont été rejoints par le sultanat de Brunei en 1984, le Vietnam en 1995, le Laos et la Birmanie en 1997 et le Cambodge, dernier entrant, en 1999. Le secrétariat de l’Asean est installé à Jakarta (Indonésie). Dans son fonctionnement, l’Asean souhaite se rapprocher du modèle de l’Union européenne.
Redémarrage sur les chapeaux de roue
Trois ans après le début de la pandémie, l’Asean subit encore les retombées de la crise Covid. Car l’épidémie a rebattu les cartes et questionné le rôle de l’association en mettant en exergue l’importance désormais de la santé dans les stratégies économiques. D’autant que ces changements radicaux doivent être mis en œuvre dans un contexte géopolitique peu favorable, entre la guerre en Ukraine et la rivalité toujours plus forte entre les États-Unis et la Chine. Cette pandémie aura eu l’intérêt de montrer l’urgence, pour les gouvernements, à engager des réformes profondes pour tenter de soutenir une reprise économique durable.
Reste que les investissements directs étrangers (IDE) dans la région géographique de l’Asean ont déjà retrouvé leur niveau de 2019, à un peu plus de 174 milliards de dollars de flux entrants. Un récent rapport des services économiques de l’Asean montre que ces IDE ont fait un bond de 42% en 2021. L’étude détaille aussi que la plupart de ces investissements provenait de régions autres que la zone Asie-Pacifique, essentiellement des États-Unis et d’Europe. Grâce à ce fort rebond, le stock d’IDE de la zone Asean atteint désormais les 3 100 milliards de dollars, affichant une hausse de 72% par rapport à 2015. Témoin de cette dynamique, l’an dernier, les IDE vers l’Asean ont approché, en valeur, ceux à destination de la Chine.
Les yeux doux de l’UE
Cette croissance exemplaire de la région ne laisse évidemment pas indifférents les dirigeants de l’Union européenne. Réunis lors d’un premier sommet historique en décembre à Bruxelles avec leurs homologues de l’Asean, ils se sont fixé pour mission de « reconnecter » l’Europe avec cette zone de l’Asie du Sud-Est, l’une des plus dynamiques du monde et devenue, à leur grand regret, le premier partenaire commercial de la Chine. Ce sommet s’est déroulé dans un contexte d’emprise toujours plus forte de Pékin en Asie du Sud-Est et d’une concurrence toujours plus exacerbée entre la Chine et les États-Unis, qui pèse sur les pays de la région. Consciente de ce risque, l’Asean cherche d’ailleurs à renforcer ses liens économiques avec l’Europe, pour ne pas garder tous ses œufs dans le même panier. Les deux parties ont ainsi signé le premier accord mondial de bloc à bloc dans le secteur de l’aérien. Il offrira aux compagnies des deux régions davantage de possibilités d’exploiter des services de transport de passagers et de fret.
L’Union européenne s’est pour sa part engagée à investir dix milliards d’euros en Asie du Sud-Est d’ici à 2027. Son plan d’action prévoit la coopération dans différents domaines, tels que la reprise face à la pandémie, le commerce et la connectivité durables.
Usine du monde
L’Asean représente aujourd’hui le cinquième « bloc économique » mondial derrière l’UE, les États-Unis, la Chine et le Japon. Son modèle de croissance repose sur un marché jeune et dynamique de 650 millions d’habitants, soit 9% de la population mondiale. La région bénéficie également d’une population urbaine et connectée, adepte des outils numériques. L’Asean participe pour environ 8% au commerce mondial.
La région affiche une croissance dynamique mais elle qui marque le pas depuis le début de l’année 2019 à cause de la recrudescence des tensions commerciales entre la Chine et les États-Unis puis de la crise Covid. Au cours des deux décennies précédentes, les pays de la région avaient affiché une croissance moyenne de 5 % par an. La Chine reçoit 16% des exportations de l’Asean, ce qui en fait la première destination de la production des pays membres, hormis le Vietnam. En 2022, la croissance de la région a été soutenue par un retour des investissements étrangers en particulier dans l’économie numérique, les infrastructures, notamment les projets dans les énergies renouvelables (hydro, photovoltaïque…) et l’industrie. A lui seul, le secteur manufacturier a vu ses investissements étrangers bondir l’an dernier de 134% à 45 milliards de dollars. Les pays de l’Asean deviennent ainsi véritablement « l’usine du monde » dans tous les domaines, y compris la high-tech.