Destinations au banc d'essai
Sur le plan économique, le Cambodge veut jouer dans la cour des grands
Beaucoup moins peuplé que ses voisins, le pays d’Asie du Sud-Est compte sur sa forte croissance pour attirer de nouveaux investisseurs étrangers. Le royaume khmer souhaite pour cela capitaliser sur l’énorme coup de projecteur que lui a apporté en 2022 la présidence tournante des dix pays de l’Asean (Association des nations du Sud-Est asiatique).
Il est trois fois plus petit que la France et ne compte que dix-sept millions d’habitants. Reparti de zéro il y a un peu plus de vingt ans après les années de plomb de Pol Pot dans les années soixante-dix suivies de deux décennies instables, le pays d’ex-Indochine s’est modernisé à la vitesse de la lumière. Son principal avantage est une population très jeune – un habitant sur deux est âgé de moins de vingt-deux ans – et une classe moyenne en pleine expansion.
Il s’agit le plus souvent d’anciens « boat people » ou d’enfants de réfugiés, nés ou partis étudier à l’étranger, avant de rentrer au pays et d’y investir. « Il y a aujourd’hui une demande qui n’existait pas, observe Charles-Henri Chevet, le directeur d’Accor au Cambodge, celle de voyageurs d’affaires locaux qui circulent et ont besoin d’hébergements de bon niveau et à des prix raisonnables dans les différentes provinces du Cambodge. » Le groupe hôtelier français se prépare ainsi à ouvrir neuf nouveaux établissements, plus « économiques » que les cinq étoiles qu’il exploite aujourd’hui.
Une économie fortement « dollarisée »
Reste que le déficit public du Cambodge s’est creusé en 2020, atteignant 34,2% du PIB (contre 28,6% un an plus tôt), puis 37% en 2021. Bien que relativement faible, il est majoritairement détenu par des étrangers (en particulier la Chine) et libellé en devises. De même, l’économie est fortement dollarisée, exposant un secteur bancaire déjà fragile à d’importants risques de change.
Les mesures économiques prises pour compenser la crise provoquée par la pandémie, ciblées principalement sur les secteurs du tourisme, du textile et de l’aviation et de l’assistance sociale pour les ménages les plus vulnérables, ont conduit à un déficit budgétaire de 3,1% du PIB. Certains secteurs semblent offrir plus d’opportunités comme l’agro-industrie, les cosmétiques ou encore les meubles. Côté automobile, Toyota annonce la construction d’une usine d’assemblage d’une valeur de 36,7 millions de dollars dans la zone économique spéciale de Phnom Penh.
6,2% de croissance prévue par le FMI en 2023
Signe de la dynamique de la croissance du pays -qui devrait bondir à 6,2% en 2023 selon les prévisions du FMI- le ministère cambodgien des Transports affirme avoir dans ses cartons 300 projets de routes, d’autoroutes, d’aéroports, de ports ou de voies ferrées pour la bagatelle de cinquante milliards de dollars d’investissement, soit près de deux fois le PIB cambodgien ! Même si, regrette-t-on ici, les financements chinois ont remplacé les investisseurs français historiques.
Avec 40% de la dette externe, la Chine est ainsi le principal créancier du Cambodge. L’agriculture (riz, caoutchouc, maïs, légumes, noix de cajou, tabac et soie) représente 22,8% du PIB. Cependant, le secteur primaire est soumis aux aléas climatiques et la production reste largement insuffisante. L’industrie représente 27,9% du PIB. Le secteur de l’habillement, de la chaussure et des articles de voyage est la principale source de devises étrangères du royaume. Ce secteur comprend environ 1 100 usines et succursales et emploie près de 750 000 travailleurs. Enfin, les services représentent quant à eux près de 38%.
Des réserves hydrocarbures offshore
Des réserves d’hydrocarbures offshore ont par ailleurs été récemment découvertes et pourraient présenter un avantage significatif pour le pays. Cependant, la première extraction, opérée par une compagnie de Singapour, a été constamment reportée, jusqu’à décembre 2020.
Le royaume présente de nombreux atouts pour y investir, résume Martin Brisson, directeur exécutif de la chambre de commerce et d’industrie France-Cambodge : « C’est le seul pays de la zone où un étranger peut créer son entreprise sans avoir obligatoirement recours à un partenaire local. De plus, le Cambodge affiche une grande stabilité économique et politique et c’est un excellent moyen d’entrer sur le grand marché de la région. » Entré en vigueur fin 2022, un accord de libre-échange entre le Cambodge et la Corée du Sud prévoit ainsi de supprimer près de 90% des droits de douanes pour les exportations coréennes et 95% pour les exportations cambodgiennes.
Une porte d’entrée stratégique
Aujourd’hui le pays se veut une porte d’entrée stratégique sur le grand marché de l’Asie-Pacifique. Quelques ombres au tableau sont néanmoins à prendre en compte : une inflation élevée, le ralentissement économique de la Chine et le resserrement plus rapide que prévu de la politique monétaire des pays développés. Conscient de ces limites, le gouvernement s’est doté d’une nouvelle loi sur les investissements fin 2021. Outre un impôt sur les bénéfices très allégé, celle-ci prévoit des abattements fiscaux pour les entreprises investissant dans la formation de leurs salariés ou dans la recherche, dans l’optique de diversifier l’économie locale.
Légalement, il est par ailleurs tout à fait possible de rapatrier l’ensemble de ses profits dans son pays d’origine une fois les taxes locales acquittées. Autre point important : le pays est très francophile et très francophone, avec des ministres et médecins qui parlent la langue de Molière. On estime à environ 10 000 le nombre de ressortissants français au Cambodge.
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