Elle a commencé par une agence de location d’hébergements de vacances puis dirige depuis une dizaine d’années avec un associé saoudien, une société immobilière, Driven Properties. « On a bien compris que les investisseurs avaient besoin d’un service clé en main et d’une personne de confiance qui puisse gérer la location et s’occuper de la relation avec les locataires , résume Khadija El Otmani, la quarantaine.
En dix ans, la société a grossi. Elle emploie aujourd’hui 300 personnes qui parlent une dizaine de langues. « Il faut être très prudent quand on investit dans l’immobilier à Dubaï, prévient-elle. Certains quartiers sont en fin de cycle et d’autres émergent. Pour faire les bons choix, s’entourer de professionnels qui sont là depuis longtemps s’avère important. »
« J’ai vu de la lumière »
Née à Casablanca (Maroc), arrivée en France à l’âge de quatre ans, fille de parents marocains d’origine modeste installés à Vittel, dans les Vosges, Khadija El Otmani explique qu’elle « n’a pas fait vraiment d’études intéressantes mais qu’elle savait dès le début qu’elle voulait partir des Vosges pour aller découvrir le monde. »
Sur les conseils d’un ami qui avait trouvé un job là-bas, elle débarque donc un peu par hasard aux Émirats. C’était il y a quatorze ans, dans une région du monde alors inconnue en Europe et qu’on avait du mal à placer sur la carte. « C’est comme si j’avais vu la lumière et que je m’étais dit « allons voir ! » se souvient-elle. « Je pensais atterrir en Arabie saoudite et j’ai été surprise. Les gens n’étaient pas du tout habillés comme je l’imaginais, il y avait des boîtes de nuit et des restaurants. Cela n’était pas complètement ouvert non plus, il y avait encore beaucoup de tabous. »
Éthique et transparence
Nous sommes à la veille de la crise des subprimes en 2008, la Franco-marocaine se lance d’abord dans la mode. C’est finalement en cherchant à se loger à Dubaï que le déclic intervient. « Je cherchais un appartement meublé à l’occidentale, raconte-t-elle. Or, je tombais toujours sur un style de décoration très chargé qui ne me plaisait pas. Je me suis dit “il y a peut-être un truc à faire” et j’ai commencé à développer mon business model. »
Vient ensuite la rencontre avec son futur associé. « Je n’avais pas une belle image des gens du Golfe, reconnaît-elle. En France, je ne les voyais qu’à travers les informations à la télévision et ce n’était pas très reluisant. » Mais au-delà des idées reçues, Khadija et rejoint la structure déjà montée par son partenaire. « Après, ça a été très dur, tempère-t-elle, beaucoup de travail, de réseautage, s’imposer une discipline éthique et de la transparence, et essayer d’investir l’argent de mes clients et de leur faire gagner de l’argent. »
Continuer à s’améliorer
Certains jours, elle se souvient la première fois où elle a réalisé tout le chemin parcouru. « Un matin, à huit heures et demie, comme tous les jours j’ai marché vers mon bureau. Mon équipe était déjà là, le téléphone sonnait et les gens couraient dans tous les sens. Je me suis arrêtée, j’ai regardé autour de moi et je me suis dit « Qu’est-ce qui s’est passé ? Je n’ai rien fait d’extraordinaire ! Quelle est la chose qu’on peut admirer ? »
Cerise sur le gâteau, et elle ne l’aurait jamais imaginé il y a encore quelques années, Khadija El Otmani, 42 ans, a été invitée au mois de janvier à venir témoigner devant les étudiants en MBA de l’Essec, la grande école de commerce française présente à Dubaï, sur son aventure et la situation des femmes entrepreneures au Moyen-Orient. « Quand je pense, sourit-elle, que je n’ai que le baccalauréat ! »