« Faire reculer le recul du français » : voilà l’objectif fixé par Louise Mushikiwabo, secrétaire générale de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) lors de sa réélection en novembre 2022. Parmi les principaux promoteurs de la francophonie à l’étranger figurent les médias français internationaux comme TV5Monde et France médias monde (RFI, France 24, Monte-Carlo Doualiya). Selon leurs présidents, Yves Bigot et Marie-Christine Saragosse, tous deux invités à s’exprimer lors d’une table ronde organisée lors de la 38e session plénière de l’AFE le 27 mars 2023, il est essentiel d’adopter une approche plurilingue.
Des contenus traduits dans plus de 20 langues
Parlé par 321 millions de personnes selon l’OIF, le français est actuellement la cinquième langue mondiale et la deuxième langue étrangère la plus enseignée. Depuis 2010, son enseignement a progressé de 6,5%. « Ces chiffres ne me donnent pas l’impression que le français recule » se réjouit Marie-Christine Saragosse. Interrogée sur l’enjeu de la francophonie dans la distribution des contenus de France médias monde, la présidente confirme que, malgré la variété de langues proposées sur RFI et France 24, leur « signature » reste francophone. Le groupe, qui indique avoir surpassé ses objectifs d’audience 2022, précise que 42% des contenus audiovisuels consultés cette même année étaient en français.
Car si les Français de l’étranger représentent le « cœurs des audiences » de France médias monde, ses contenus trouvent également une audience francophone et francophile. Pour valoriser l’information française comme porte d’entrée vers la francophonie, le groupe a choisi d’élargir son choix de langues : « Au vu du contexte international, nous avons ouvert une chaîne en ukrainien ainsi que dans plusieurs langues africaines » explique Marie-Christine Saragosse. Au total, vingt langues sont utilisées sur l’ensemble des plateformes du groupe.
« Si le français ne recule pas, l’anglais progresse énormément »
TV5Monde adopte cette même stratégie de développement plurilingue : la chaîne propose des sous-titres dans treize langues différentes. « Imaginer le français autrement que dans le multilinguisme est un combat perdu d’avance », confirme Yves-Bigot. Diversifier les choix de langues implique néanmoins un budget considérable, dont ne disposent pas toujours les médias internationaux. Comme le note Marie-Christine Saragosse, le budget français consacré à l’audiovisuel extérieur est « incomparable » par rapport à celui de la concurrence anglophone: des médias comme BBC World, CNN ou Al Jazeera disposent de bien plus de moyens. « Si le français ne recule pas, l’anglais progresse énormément », note Yves Bigot.
Cet écart est particulièrement visible avec le développement du numérique. Quatrième langue la plus utilisée sur Internet selon l’OIF, le français est présent sur 3,7% du total des sites en ligne, contre 58,8% pour l’anglais. Pour combler cet écart important, France médias monde et TV5 Monde s’emparent progressivement de nouveaux outils pour développer leur offre de langues afin, à terme, de convertir une communauté plus grande au monde francophone. En effet, un étranger qui regarde les informations en français avec des sous-titres dans sa langue sera, inconsciemment, plus facilement sensibilisé à la langue de Molière. Parmi ces nouveaux outils figure évidemment l’intelligence artificielle (IA) qui pourrait générer automatiquement des sous-titres pour un budget accessible. Selon Marie-Christine Saragosse, des tests ont été réalisés en ce sens « pour développer des sous-titres en hindi ».