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Au Louvre Abu Dhabi « les visiteurs se déplacent aujourd’hui autant pour voir le bâtiment que pour les œuvres du musée »
Fin 2022, le Louvre Abu Dhabi célébrait son cinquième anniversaire. Depuis novembre 2017, le musée a accueilli plus de 3,7 millions de visiteurs, une fréquentation qui a été impactée par les années Covid. Depuis plusieurs mois, les visites ont fortement repris et le LAD se tourne désormais vers l’avenir. Il se prépare notamment à faire de nouvelles acquisitions alors que l’accord qui le lie aux musées français concernant le prêt des œuvres qu’il expose doit prendre fin dans cinq ans. Interview de Manuel Rabaté, le directeur du musée.
Français à l’étranger : Pourriez-vous présenter en quelques mots le musée du Louvre Abu Dhabi ?
Manuel Rabaté : Ce musée est la rencontre entre les Émirats et la France, entre Abu Dhabi et le système muséal français. Le nom est révélateur : il ne s’agit pas du « Louvre d’Abu Dhabi » mais bien du « Louvre Abu Dhabi », un musée universel au sein d’un État extrêmement dynamique, au cœur du monde arabe, d’un hub mondial entre est et ouest. Ce musée réunit la vision d’Abu Dhabi et la force du Louvre. Ses galeries racontent d’ailleurs l’histoire de l’art de l’Humanité et permettent de se promener à travers le temps, de traverser 12 000 ans d’histoire, des premiers éléments néolithiques jusqu’à nos jours. Les objets présentés permettent de comprendre l’histoire, mais ils sont aussi choisis pour leur beauté et leur importance dans l’histoire de l’art.
Quelles sont les particularités du Louvre Abu Dhabi par rapport à d’autres grands musées ?
Les grands musées universels exposent tous des œuvres venues du monde entier et de différentes époques. Le savoir y est organisé de la manière la plus exhaustive possible autour de grandes thématiques : la peinture française dans une salle, la peinture hollandaise dans l’autre, etc. Au Louvre Abu Dhabi, l’exposition permanente suit le cours de l’histoire de l’art et montre les connexions anthropologiques. Dans la première galerie par exemple, on retrouve un grand nombre de représentations de la figure humaine issues de Bactriane (région historique d’Asie centrale), de Crête, du croissant fertile, etc. Cela permet des comparaisons. Au fur et à mesure qu’on avance dans le parcours, on découvre ensuite les échanges qui se mettent en place progressivement avec la transmission de certains artisanats : ce sont tantôt les objets, tantôt les artisans qui circulent. Avec ce type de parcours, la tentation d’exhaustivité est moindre. Nous ne montrons pas toutes les formes d’une civilisation : à la place nous choisissons quelques objets pour incarner cette civilisation et la mettre en rapport avec d’autres.
Comment la fréquentation du musée a-t-elle fluctué au cours des cinq dernières années ?
Nous avons accueilli plus de 3,7 millions de visiteurs depuis l’ouverture, sachant que le Covid a ralenti la fréquentation pendant deux ans. À l’origine, 40% d’entre eux étaient des locaux. Aujourd’hui, les touristes de passage à Abu Dhabi représentent 70% de la fréquentation : les Français, les Américains, les Indiens, les Russes et les Chinois sont les plus nombreux, et les Philippins viennent de plus en plus. Les résidents des Émirats arabes unis constituent les 30% restants. Les premières années, les gens venaient beaucoup pour voir le bâtiment. C’est désormais plus équilibré, les visiteurs se déplacent aujourd’hui autant pour voir le bâtiment que pour les œuvres du musée.
Comment définiriez-vous le rôle du Louvre dans la diplomatie culturelle entre la France et les Émirats arabes unis ?
Le musée dépend du département Culture et tourisme d’Abu Dhabi, l’équivalent du ministère de la Culture. Grâce à un accord intergouvernemental qui date de 2007, le Louvre Abu Dhabi collabore avec 16 musées et institutions culturelles français qui lui prêtent régulièrement des œuvres pour alimenter ses expositions. Parmi ces musées français, le Louvre est évidemment le partenaire privilégié. Cet accord permet au Louvre Abu Dhabi d’avoir accès à l’ensemble des collections françaises et en fait l’un des navires amiraux de la coopération culturelle entre les deux pays.
Depuis son ouverture, quels tableaux célèbres ont été prêtés au Louvre Abu Dhabi ?
Pour le cinquième anniversaire du musée, le Louvre nous a prêté pour deux ans le « Saint Jean-Baptiste », un prêt exceptionnel puisqu’il s’agit de l’un des rares tableau de Léonard de Vinci qui peut voyager. Cet artiste accompagne finalement les grands moments du musée : pour l’ouverture en 2017, le Louvre nous avait déjà prêté l’un de ses tableaux, « La Belle Ferronnière ». Nous avons aussi eu l’occasion d’exposer des tableaux de plus grande taille : le château de Versailles nous avait confié pendant un temps « Napoléon Bonaparte franchissant les Alpes le 20 mai 1800 », une peinture de Jacques-Louis David qui mesure plus de deux mètres de hauteur et de largeur. La taille n’est pas le seul enjeu du transport d’œuvres : il y a aussi le poids. Nous avons par exemple dans nos galeries une statue de Ramsès II qui vient du département des antiquités égyptiennes du Louvre et qui pèse 4,5 tonnes. Le jour où nous la rendrons, il y aura une grosse gestion logistique à effectuer en amont.
Combien de temps durent les prêts ?
Les prêts durent théoriquement dix ans, avec des rotations pour ne pas abîmer les œuvres. Nous exposons ainsi pendant seulement trois mois consécutifs les photographies, estampes, enluminures, manuscrits, etc. Afin de pouvoir en présenter en permanence au public, il nous faut donc une certaine quantité. Les tableaux peuvent être exposés plus longtemps, mais la durée du prêt s’avère généralement plus courte. « La Belle Ferronnière » est restée exposée deux ans par exemple, ce qui était déjà exceptionnel. En raison des prêts qui se succèdent, des acquisitions et de ce système de rotation, nous racontons toujours la même histoire de l’art, mais avec des œuvres qui changent en permanence. Cela permet à notre public de découvrir régulièrement des nouveautés.
Le LAD prête-t-il également ses œuvres à des musées internationaux ?
Cela arrive de plus en plus. Nous avons prêté récemment « La Partie de bésigue » de Gustave Caillebotte pour une exposition qui était consacrée au peintre aux États-Unis. « Le collier de l’ordre de la Toison d’or » a également été prêté à plusieurs musées, notamment en France et au Met de New-York. Nous avons également des échanges avec des partenaires régionaux et mettons un point d’honneur à faire circuler les objets qui viennent du monde arabe. Nous exposons et prêtons des œuvres des sept émirats mais aussi de Jordanie, d’Arabie Saoudite, d’Oman, etc. Les Omanais nous ont par exemple prêté dès l’ouverture des kandjars, leurs poignards traditionnels. En échange, nous leur avons envoyé pendant plusieurs mois plusieurs de nos céramiques Iznik.
Le musée a acquis un certain nombre d’œuvres au cours des dernières années pour alimenter sa collection. Comment ces acquisitions sont-elles ciblées ?
Dans les cinq ans à venir, nous devons nous préparer à la fin des prêts des musées français, sachant que l’accord stipulait dix ans de prêts pour la collection permanente, et que nous en sommes déjà à la sixième année. Il va donc falloir acquérir des œuvres qui nous permettent de continuer de raconter cette histoire universelle. L’enrichissement de la collection d’œuvres islamiques est très important pour asseoir un ancrage régional, mais cela n’est pas le seul enjeu. Nous devons aussi exposer des œuvres chinoises, indiennes ou européennes, avec le souci de toujours conserver un équilibre entre les différentes civilisations. Et si une acquisition n’est pas possible, il reste la possibilité du partenariat.
Outre les prêts, la France coopère-t-elle avec le Louvre Abu Dhabi en matière de ressources humaines ?
Pour l’heure, une bonne partie des conservateurs est proposée par la France. Mais cette tendance évolue au fil des ans, sachant que le but n’est pas non plus d’avoir un musée avec un staff 100% émirien. Il s’agit plutôt de permettre aux Émiriens qui travaillent au LAD de bénéficier d’une formation d’excellence dans le domaine muséal. À terme, certains resteront et d’autres iront travailler dans les autres musées d’Abu Dhabi qui vont également ouvrir sur l’île de Saadiyat : le Guggenheim ou le musée national Zayed par exemple. Notre mission de « musée-école » va ainsi permettre de polliniser les musées alentours.
Quelles nationalités sont aujourd’hui représentées au sein de l’équipe du musée ?
De l’Afrique à l’Asie en passant par l’Europe et l’Amérique, tous les continents sont représentés dans notre staff. Aujourd’hui, nous sommes 180, avec plus de 60% d’Émiriens et une quinzaine de Français. Mais nous avons aussi beaucoup de ressortissants du monde anglo-saxon, des Philippins, mais aussi des Indiens ou des Pakistanais, car les mondes du Golfe et les mondes indiens sont très proches et interconnectés. Nous organisons d’ailleurs jusqu’à juin 2023 une exposition « Bollywood Supertars » qui retrace l’histoire du cinéma indien : cette exposition nous permet d’accueillir de nombreux visiteurs issus de cette région du monde.
L’île de Saadiyat va voir se multiplier les musées dans les années à venir (musée national Zayed, Guggenheim, musée d’histoire naturelle, etc). Comment coopérer avec ces autres institutions culturelles tout en vous distinguant ?
Nous ne proposons pas du tout la même offre et allons donc être complémentaires. Nous sommes un musée universel, ancré au cœur du monde arabe. À côté de nous, le musée national Zayed va raconter l’histoire de la nation émirienne, tandis que le musée Guggenheim se concentrera sur l’art contemporain et les connexions artistiques actuelles entre Orient et Occident. L’île va également accueillir un musée d’histoire naturelle et un musée de la curiosité, Phenomena, conçu par le collectif d’artistes TeamLab. Un visiteur peut donc parfaitement passer d’un musée à l’autre, sans sentiment de répétition. La proximité de tous ces musées permettra d’ailleurs justement d’attirer un public varié qui viendra au départ pour visiter un de ces musées et repartira finalement après en avoir vu deux ou trois.
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