« Nous savons que l’héritage que la France et le Vietnam partagent est ancien, complexe et protéiforme, et dépasse largement ce demi-siècle de relations diplomatiques, mais il est toujours surprenant de découvrir l’ampleur des influences croisées dans tous les domaines, de la santé à la gastronomie en passant par l’art et le patrimoine ». Ambassadeur de France au Vietnam depuis septembre 2019, Nicolas Warnery salue notamment, à l’occasion du 50e anniversaire des relations diplomatiques entre les deux pays, la poursuite des échanges en dépit de la crise du Covid-19. « La pandémie nous a permis de démontrer la solidité de nos liens de solidarité, avec les dons de masques du Vietnam à la France en 2020 et les dons de vaccins par la France en 2021-2022. » Outre cet exemple récent, le demi-siècle écoulé (1973-2023) a vu s’effacer progressivement les blessures du passé après un début de 20e siècle tumultueux, permettant à la France et au Vietnam d’inscrire leur relation dans une nouvelle ère.
Une occupation de près d’un siècle
Pour comprendre le chemin parcouru, il faut remonter loin en arrière, jusqu’au 1er septembre 1858, date à laquelle une flotte française prend possession de la baie de Danang, dans le centre du pays. S’ensuit la signature de traités qui placent le Vietnam sous la tutelle de la France. Le pays est alors divisé en trois régions : le Tonkin au nord, l’Annam au centre, la Cochinchine au sud. Tandis que les deux premiers sont considérés comme des protectorats et permettent donc aux gouverneurs locaux de garder une certaine autonomie, la Cochinchine est, elle, directement placée sous la gouvernance des colons français.
L’Indochine française est finalement fondée en 1887 : elle regroupe le Vietnam, le Cambodge et le Laos. Cette entité géographique et la domination française au Vietnam est mise à mal avec la Seconde guerre mondiale qui voit le territoire occupé par les Japonais. En mars 1945, l’administration coloniale française prend fin.
La guerre puis l’éloignement
La république démocratique du Vietnam est proclamée par Hô Chi Minh, figure du Viet Minh, une organisation politique et paramilitaire vietnamienne créée en 1941 dans le but d’obtenir l’indépendance du pays. La guerre d’Indochine qui oppose les partisans du Viet Minh à l’union française -la France et ses colonies- s’achève finalement en 1954 après la défaite française de Diên Biên Phu et la signature des accords de Genève. « 80 000 combattants sous uniforme français sont morts lors du conflit en Indochine entre 1946 et 1954 », rappelle le site officiel du gouvernement français.
À la suite de la signature de ces accords, le Vietnam est officiellement divisé en deux. Le Nord devient un régime communiste proche de l’URSS tandis que la république créée au Sud s’oppose farouchement au communisme et vit sous l’influence américaine. Entre 1955 et 1975, les deux Vietnam vont se livrer une guerre sans merci, soutenus l’un et l’autre par leurs alliés respectifs. Qu’en est-il alors de la France ? Sa présence en Afrique étant menacée par des velléités d’indépendance -au Maghreb en particulier-, elle s’éloigne à cette époque de ses anciennes colonies d’Asie de façon durable.
Des liens politiques…et humains
De nouveaux liens commencent à se tisser à compter de 1973, année de la signature des accords de paix de Paris qui scellent le désengagement militaire américain du territoire vietnamien. Le 12 avril de cette même année, la France et le Vietnam établissent les bases de leur coopération diplomatique, ininterrompue depuis. François Mitterrand (1993), Jacques Chirac (1997 et 2004) puis François Hollande (2016) ont ainsi tous les trois effectué des visites présidentielles à Hanoï, tandis que les dignitaires vietnamiens se sont également déplacés à plusieurs reprises à Paris.
« Au-delà de ces coopérations bilatérales et de ces visites de haut niveau, je continue surtout d’être frappé au quotidien par l’attachement profond de nos interlocuteurs à la relation franco-vietnamienne et à notre histoire partagée, tant côté français que côté vietnamien : artistes, chercheurs, journalistes, entrepreneurs bien sûr…, mais aussi femmes et hommes qui ont simplement lors d’un voyage ou d’une rencontre découvert cette autre culture et sont devenus à leur petite échelle un pont entre nos deux pays », explique Nicolas Warnery. Pour le 50e anniversaire des relations diplomatiques, le slogan choisi relève d’ailleurs davantage de l’humain que du politique : il s’intitule sobrement « cultures partagées ». « J’insiste sur le pluriel – nous partageons nos deux cultures », conclut l’ambassadeur.