« Sur le papier, une personne qui immigre au Mexique doit payer des impôts et s’intégrer à la société mexicaine. Mais ce n’est pas ce que [les nomades digitaux] font. Ils veulent le meilleur des deux mondes sans penser aux conséquences pour les locaux. » Selon Ana Pompa Alarcón, entrepreneuse mexicaine et fondatrice de Founders Registry – société d’incubation pour les entrepreneurs marginalisés – le niveau de vie des Mexicains ne leur permet plus de vivre correctement dans certaines villes prisées par les nomades numériques.
La ville de Mexico est particulièrement prisée par ces derniers – principalement Canadiens et États-Uniens – selon le site Nomadlist. Depuis le lancement du visa dédié aux nomades numériques (le Temporary Resident Visa) en 2018, le nombre d’arrivées de ces travailleurs étrangers est passé de 2 400 par mois à 12 600 en 2023, soit une augmentation de 425%. La fin de la crise sanitaire a amplifié le phénomène à compter de 2021.
Des tarifs inaccessibles pour les locaux
« À cette période, je travaillais aux États-Unis, raconte Ana Pompa Alarcón. J’ai dû attendre d’être vaccinée avant de pouvoir rentrer voir ma famille en 2021. Quand je suis revenue à Mexico, je n’ai pas reconnu pas la ville. » Selon l’entrepreneuse, les anglophones sont de plus en plus nombreux dans les rues de Mexico, même hors saison touristique. « Je suis allée chercher le petit-déjeuner pour ma famille dans un café et le vendeur m’a dit qu’il ne parlait pas espagnol et que je devais commander en anglais. J’étais tellement choquée que je suis partie. »
Selon la Mexicaine, ce phénomène s’est accompagné d’une hausse des prix non-négligeable. « Dans les restaurants, cela a quasiment doublé. Les nomades digitaux viennent à Mexico pour profiter d’un coût de la vie inférieur, mais les commerçants voient bien que ces gens ont un pouvoir d’achat élevé et augmentent donc les tarifs. » Si le salaire moyen des Mexicains s’élève à 14 828 euros par an selon l’OCDE celui d’un salarié aux États-Unis est de près de 51 000 euros. Cette hausse des prix est donc particulièrement difficile à vivre pour les locaux. « L’une de mes amies avait acheté un appartement à Mexico. Elle n’avait pas de loyer à payer, mais le coût de la vie a tellement augmenté à côté qu’elle a dû vendre et aller vivre dans un quartier plus éloigné » s’indigne Ana Pompa Alarcón.
« Mexico est devenue beaucoup plus sûre »
Très active sur la plateforme TikTok, l’entrepreneuse poste régulièrement du contenu en réponse aux comptes de nomades numériques. Elle a lancé une série de vidéos sur le réseau social, dédiée spécifiquement à conseiller les personnes qui se lancent dans ce mode de vie. « Il faut essayer au maximum de se loger et de consommer chez des locaux, ne pas manger dans des chaînes qui viennent des États-Unis mais dans des restaurants mexicains. C’est aussi important de faire l’effort d’apprendre la langue. Souvent les nomades digitaux ne restent qu’entre eux, et ne s’intègrent pas du tout avec les Mexicains. »
Selon elle, la part croissante du nombre de nomades numériques dans son pays a néanmoins un aspect positif : « Mexico est devenue beaucoup plus sûre. Dans certains quartiers comme Coyoacan, on peut désormais se promener la nuit car il y a beaucoup plus de policiers pour préserver la réputation de la ville. » Elle précise que cette politique de sécurité concerne seulement certains quartiers, et rarement ceux où sont contraints de déménager les locaux qui fuient l’inflation des zones les plus prisées.