L’idée a été lancée l’an dernier, et elle a tout de suite fait l’unanimité. Le projet a joliment été baptisé « l’éducation s’envole ». Ainsi, tous les jeudis, pendant deux heures, 30 élèves de sixième vont rendre visite aux résidents de la maison de retraite située de l’autre côté de la rue. Le projet a été mis en place par la directrice du lycée français de Gran Canaria, Véronique Sapède, fraîchement débarquée d’Orléans, il y a tout juste un an, et une professeure d’espagnol, sur le principe d’entretiens captés en vidéo, elle explique : « On a 30 élèves de sixième qui sont devenus les filleul.es de 15 parrains et marraines. Les élèves ont suivi le même script qu’ils ont étudié en cours de langue. Ils ont travaillé sur les émotions et les compétences psychosociales pour voir comment, avec quelle délicatesse, il fallait faire pour essayer de convoquer les souvenirs des anciens ici. »
La maison de retraite a aussi immédiatement été séduite. La grille est la même pour tous les entretiens : devant un binôme de deux élèves, chaque pensionnaire évoque donc son parcours professionnel et personnel. Au fil des rencontres, une relation de confiance s’est nouée.
Beaucoup de résidents ont par exemple évoqué devant les jeunes générations la vie sous la dictature de Franco, en Espagne. Le projet a été rendu possible grâce à la mise à disposition d’une équipe de tournage par une compagnie aérienne locale.
Reprendre une place dans la société
Et à partir du printemps se joue le match retour : ce sont les résidents de la maison de retraite qui viennent au lycée français, pour découvrir notamment les méthodes d’enseignement actuelles avec les nouvelles technologies, avec parfois un choc des cultures à la clé : « C’est revenu souvent, comme avec un élève et son parrain, tous les deux joueurs d’échecs, l’un qui joue en ligne avec son iPad, et l’autre avec le plateau évidemment, et ça a fait de chouettes moments de rencontres. »
Véronique Sapède témoigne que ces échanges ont beaucoup apporté à la fois au personnel, à la communauté enseignante et aux élèves du lycée français de Gran Canaria : « Humainement, on en sort grandi et enrichi, sur le lien qu’il peut y avoir, sur la spontanéité, le don et le partage d’une expérience d’une vie, avec des personnes âgées qui ne sont pas allées à l’école pour la plupart, certaines ne savent pas lire et écrire. Et là, ça leur permet, elles aussi, de reprendre une place à part entière dans la société, de se sentir importantes et de transmettre tout cela. »
Ces échanges ont aussi donné lieu à de jolis messages, se souvient la Française : « Marc-Antonio, un résident de la maison de retraite, a dit un jour à son filleul : « tu, estudia para ser feliz ! » , toi, étudie pour être heureux ! À chaque fois, ils mettent l’accent sur les études, le bonheur et profiter de la vie. »
Situé sur l’une des huit îles de l’archipel espagnol, le lycée français de Gran Canarie accueille 350 élèves, de la maternelle à la terminale. Membre du réseau de la Mission laïque française. Vu le succès de l’opération, l’établissement souhaite maintenant la proposer à d’autres classes, notamment les primaires. Lire et écouter la chronique ici