Français à l’étranger : Dans quelles conditions êtes-vous venue étudier en France ?
Carmen Muñoz : Je viens de la banlieue de Madrid, où j’ai débuté des études d’ingénieur, de niveau BAC +6, à la fin du lycée. C’est dans le cadre de ce cursus que je suis partie étudier en France en 1989, après trois années d’études supérieures en Espagne. C’était le tout début des échanges universitaires entre écoles d’ingénieurs pour la France et l’Espagne. Ce n’est pas moi qui ai demandé de partir : c’est mon école qui m’a proposé d’aller effectuer un échange à Centrale Paris car je figurais parmi les meilleurs élèves. À l’époque, je ne parlais pas un mot de français mais mon école m’a rassurée en m’expliquant qu’à partir du moment où j’étais bonne en maths et en physique, je pourrais suivre les cours et apprendre la langue progressivement. J’ai donc passé des entretiens -en anglais- pour être sélectionnée puis suivi des cours intensifs à l’Alliance française de Madrid pour apprendre les rudiments du français pendant l’été, avant la rentrée à Centrale Paris.
Comment s’est passée votre arrivée en France ?
Carmen Muñoz : Je suis arrivée en France le 3 septembre 1989 et me suis installée dans la résidence étudiante de Centrale Paris. Un accueil était organisé pour les étudiants étrangers, deux semaines avant le début des cours : visite des locaux, cours de français, etc. Puis l’année a véritablement démarré, avec les cours, les examens, etc. Au début, j’écrivais en phonétique mais les professeurs étaient très tolérants avec les élèves étrangers pour la rédaction. C’était une immersion totale, mais cela m’a permis d’apprendre le français à marche forcée : au bout de trois mois je parlais assez correctement. Les étudiants français se sont par ailleurs montrés très accueillants et me proposaient toujours de m’associer à eux pour les projets de groupe. Ces projets nécessitaient de contacter des entreprises, d’aller voir des professionnels, de réaliser des entretiens : entre étrangers cela aurait été très compliqué à mener car nous n’avions ni le réseau, ni une maîtrise suffisante des codes professionnels.
Qu’est-ce qui vous a le plus surpris quand vous êtes arrivée en France ?
Carmen Muñoz : La manière d’interagir m’a surprise. La France et l’Espagne ont beau être proches géographiquement, les cultures sont très différentes. En Espagne par exemple, la conversation se tisse beaucoup plus facilement : dans les transports, dans les bars. En France, parler à un inconnu peut être perçu comme intrusif. J’ai découvert à Paris que c’est sur le long terme qu’on tisse des liens sociaux et amicaux qui, une fois qu’ils existent, peuvent être très forts.
Que vous a appris votre formation en France sur le plan professionnel ?
Carmen Muñoz : À Centrale Paris, il y avait beaucoup plus de proximité avec les entreprises que dans mon école d’ingénieur en Espagne, ce qui m’a servi pour ma carrière professionnelle. Les cours étaient par ailleurs plus concentrés sur des périodes courtes, alors qu’en Espagne les formations duraient tout un semestre. J’ai réalisé a postériori que l’école partait du principe que nous ne pourrions jamais retenir tous les savoirs qui nous étaient enseignés mais qu’elle souhaitait nous donner les moyens d’acquérir rapidement ce dont nous aurions le plus besoin, et de l’intégrer durablement. En quelque sorte, on nous apprenait à apprendre.
Êtes-vous restée en France à la suite de vos études à Centrale Paris ?
Carmen Muñoz : J’ai un peu travaillé en France, puis je suis partie en Espagne et en Belgique, avant de revenir à Paris. À Centrale, j’ai rencontré celui qui est devenu mon mari et c’est cette attache personnelle qui a joué sur ma décision de rester en France durablement, à partir de l’été 1995. Je suis ensuite entrée chez EDF en 1996 où je travaille encore aujourd’hui. EDF m’a offert des belles opportunités de carrière et aujourd’hui j’exerce des fonctions de direction au sein de la Recherche et Développement du groupe.
Quel lien entretenez-vous aujourd’hui avec Centrale Paris ?
Carmen Muñoz : C’est un lien très fort. Sur le plan personnel, j’y ai rencontré beaucoup d’amis. J’ai aussi toujours été reconnaissante envers Centrale Paris pour la formation et les opportunités professionnelles qui m’ont été données. Depuis l’obtention de mon diplôme, je cotise à l’association des alumni, où j’ai été membre du conseil d’administration et en charge de la commission internationale peu de temps après ma sortie de l’école. Je suis aujourd’hui membre du conseil d’administration de Centrale Supélec où je viens d’entamer mon deuxième mandat. J’ai enfin eu l’occasion de donner des cours à l’école. Ce qui m’a permis d’entretenir ces relations sur le long terme, c’est le réseau d’alumni : mon école en Espagne n’en avait pas et cela a fait la différence, y compris dans ma carrière professionnelle. J’ai en effet trouvé mon premier poste chez EDF grâce au réseau d’alumni de Centrale Paris qui diffusait alors les offres d’emploi via le Minitel !
Que diriez-vous à un étudiant qui envisage de venir étudier en France ?
Carmen Muñoz : En premier lieu, je soulignerais l’excellence du niveau de formation, qui a été un critère fondamental pour moi dans ma décision de venir à Centrale Paris. Ensuite, je n’aurais pas pu aller étudier dans un pays où les universités sont très chères, comme aux États-Unis par exemple. Le fait de pouvoir partir à l’étranger en ne payant que les droits d’inscription de mon école en Espagne a donc été un vrai coup de pouce. Enfin, la France a une vraie tradition d’accueil pour les étudiants étrangers : tout y est organisé pour que l’intégration se passe bien. Mais pour une expérience 100% réussie, il faut aussi faire des efforts et se mêler au maximum avec les Français, même si l’accueil peut sembler moins chaleureux qu’en Espagne au début. Le principal écueil est de se retrouver entre étrangers, ce qui limite l’accès à la culture et l’apprentissage de la langue. Car tant que vous n’êtes pas en immersion totale, vous ne pouvez pas connaître le pays en profondeur.
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Le réseau France Alumni vise à « fédérer, informer et aiguiller les diplômés internationaux de l’enseignement supérieur français ». Pilotée par Campus France, la plateforme du réseau permet aux alumni de garder le lien avec la France et donne accès à un annuaire interactif qui permet à chacun de ses membres d’entrer en contact avec d’autres alumni et d’accéder aux offres de stage et d’emploi publiées par les entreprises partenaires. Le réseau donne lieu à plus de 3200 partenariats avec des entreprises ou des institutions françaises et étrangères. Plus de 3300 événements (rencontres, réseautage,…) ont été organisés dans le monde depuis son lancement en novembre 2014.