Français à l’étranger : Vous vivez au Vietnam où vous êtes à la tête d’une entreprise. Dans quel secteur d’activité ?
Elsa Romeo : Accio Cab est un cabinet de conseil indépendant spécialisé en intelligence économique, relations presse et relations publiques. Nous accompagnons nos clients dans le sens Asie-France et vice-versa pour les aider dans leur développement et leur permettre de gagner en visibilité. C’est une très jeune entreprise puisqu’elle n’est officiellement enregistrée à Hong-Kong que depuis le 24 juillet 2023.
Pourriez-vous nous raconter la genèse de la création de votre entreprise ?
Elsa Romeo : Avec mon associée Rachel Bornais, l’idée nous est venue lors d’un déjeuner. Nous vivons toutes les deux à Da Nang, au Vietnam, et nous étions rencontré peu de temps auparavant. Lors de ce déjeuner, elle m’a parlé de son activité de spécialiste des relations presse, qu’elle exerce depuis une quinzaine d’années. Or, j’avais des clients qui me sollicitaient régulièrement pour des actions médias : l’organisation de conférences de presse par exemple. C’est en réalisant que nos activités étaient complémentaires, nous avons décidé de nous associer et de fonder Accio Cab. Aujourd’hui, nous conservons nos activités respectives, mais nos clients sont désormais mis en commun.
Vous vivez au Vietnam mais avez domicilié votre société à Hong-Kong. Pourquoi ?
Elsa Romeo : Nous avons d’abord étudié les démarches pour nous installer au Vietnam, avant d’opter finalement pour Hong-Kong. Au Vietnam, nous n’avions que deux options pour pouvoir domicilier notre entreprise : soit investir une somme très importante qui serait immobilisée dans le pays en monnaie locale (dong vietnamien) sans garantie de pouvoir la récupérer à terme, soit utiliser un prête-nom, ce qui se fait beaucoup ici. Dans les deux cas, cela nous semblait compliqué, surtout que la monnaie comme la législation vietnamienne sont fluctuantes. Ayant des clients en France et dans différents pays d’Asie, nous avons estimé qu’une domiciliation à Hong-Kong était plus sure, tant vis-à-vis de nos clients français que de nos clients asiatiques. Et contrairement aux croyances populaires, cela ne nous permet pas de payer moins d’impôts : cela n’est en aucun cas un choix fiscal.
Comment décririez-vous la communauté des entrepreneurs français au Vietnam ?
Elsa Romeo : Il y a un aspect que peu d’Européens connaissent : les Vietnamiens sont extrêmement entrepreneurs. Passé l’âge de 35 ans, la plupart d’entre eux ont créé une voire plusieurs entreprises, toutes catégories confondues : vente ambulante, commerce, entreprise de services, etc. Ici, le but n’est pas de devenir salarié ou fonctionnaire mais plutôt d’avoir sa propre boîte. C’est sûrement pour cela que le pays attire des expatriés qui arrivent avec cette fibre entrepreneuriale, ou qui la développent sur place. Et parmi eux, on trouve beaucoup d’entrepreneurs français. Mais le pays étant tout en longueur et divisé en trois zones géographiques très distinctes, il n’y a pas véritablement une grande communauté mais plutôt plusieurs petites qui ne se connaissent pas forcément. Et au sein de ces communautés, il y a à la fois de la solidarité et de la compétition, comme partout ailleurs. Mais globalement, les échanges sont prolifiques et il y a beaucoup d’événements de networking -parfois festifs, parfois plus officiels- organisés par la CCI France Vietnam, Eurocham, la Vietnam Young Entrepreneurs association, etc.
Que pourriez-vous dire du Vietnam à des personnes qui envisagent de s’y installer ?
Elsa Romeo : Le Vietnam est un pays où il fait bon vivre, sûr, où il est facile de se déplacer. La France y est par ailleurs bien représentée du Nord au Sud : ambassade, consulat, les antennes de l’Institut français, écoles françaises, bibliothèques etc. On ne se sent donc pas totalement isolé et cela peut être une bonne option pour une première expatriation. Il ne faut néanmoins pas sous-estimer le coût de la vie au Vietnam, qui a considérablement augmenté ces dernières années : la vie n’y est pas si peu chère que certains le croient.
Et que diriez-vous à un Français qui souhaite y monter son entreprise, comme vous ?
Elsa Romeo : En matière d’entreprenariat, le pays est intéressant dans la mesure où il affiche une croissance élevée par rapport à celle que connaît aujourd’hui l’Europe (8% en 2022, ndlr), avec une économie qui mise sur les secteurs d’avenir et une classe moyenne qui se développe. La main d’œuvre y est par ailleurs facile à trouver : il y a au Vietnam de plus en plus de jeunes qualifiés, dans tous les domaines. La limite, c’est qu’ils resteront salariés jusqu’au moment où ils auront envie de monter leur propre entreprise en s’emparant, parfois, de votre idée. Car si le vol est très mal vu ici, la propriété intellectuelle, elle, n’existe pas vraiment. Cet aspect est révélateur du fait qu’avant de s’installer au Vietnam, il faut bien avoir en tête que la législation comme les mentalités n’ont rien à voir avec ce que nous connaissons en Europe. Pour une première création d’entreprise ici, je recommande donc de se faire accompagner par une entité qui connait bien le terrain et pourra aider à appréhender ces différences, la CCI par exemple. Enfin, il faut absolument avoir établi un budget prévisionnel : sans ça, c’est beaucoup trop risqué.