Tout commence par une rencontre. Au cours d’un trekking dans la jungle Vincent Mourou croise Samuel Maruta -décédé en janvier 2021-, tous deux expatriés au Vietnam. Peu de temps après, les deux hommes se recroisent à l’université où ils suivent des cours intensifs de vietnamien. Un lien se crée et un soir de 2010, à l’issue d’un dîner, ils se mettent à parler business…et chocolat. « Samuel m’a raconté qu’il s’intéressait au cacao, ce qui était aussi mon cas. Or, à l’époque, ce secteur n’était pour ainsi dire pas exploité. Pour ma part, j’avais même découvert seulement quelques semaines auparavant qu’il y avait du cacao au Vietnam ! », se souvient Vincent Mourou.
Ni une ni deux, ils partent ensemble à moto sur les chemins routes du Sud du Vietnam, à la recherche du meilleur cacao. « Notre premier voyage, c’était dans la province de Bà Rịa-Vũng Tàu [située au sud-est de Ho Chi Minh-Ville, ndlr], explique Vincent Mourou. Là-bas, nous sommes tombés sur une petite ferme que nous avons visité et où nous avons acheté nos toutes premières fèves de cacao. »
L’authenticité, valeur première du projet
De retour chez eux, c’est dans la cuisine de Samuel Maruta qu’ils s’initient à la fabrication de chocolat. « J’avais trouvé un site web qui montrait que la base du chocolat pouvait être concoctée dans n’importe quelle cuisine : en torréfiant les fèves dans un four classique, en utilisant un mixeur pour les broyer, etc. Le produit final n’était pas du tout du chocolat, mais c’était une première expérience intéressante ! »
Certains que cet essai est le début d’une belle aventure, les deux hommes décident de s’associer pour lancer leur entreprise de fabrication de chocolat. Mais avant de parler business, ils décident d’évoquer leurs valeurs, celles qui régissent l’entreprise depuis. Un point essentiel, comme l’explique Vincent Mourou : « Nous n’avions pas stoppé nos carrières respectives pour faire n’importe quoi et il fallait qu’on se mette d’accord sur ce qui nous tenait à cœur et allait guider notre activité. C’est la conversation la plus importante que nous avons eue, et elle a eu une tournure positive : nous sommes tout de suite tombés d’accord sur le fait que nous souhaitions l’un et l’autre faire une produit authentique, de qualité, dans le respect de l’environnement et des hommes. » Cette authenticité, Vincent Mourou assure que Marou la conserve aujourd’hui : mis à part le sucre et des ingrédients produits localement -des fruits notamment-, rien n’est ajouté au chocolat.
Une croissance rapide
Dans les premiers mois, les deux fondateurs de Marou ont concentré leurs efforts sur la recherche de producteurs de cacao. « Un guide touristique expert du trekking nous a aidé dans cette tâche : il sillonnait les provinces pour aller à la rencontre des fermiers et nous envoyait leurs échantillons. Assez rapidement, nous avons eu des échantillons venus de différentes provinces et remarqué à quel point les saveurs variaient d’un coin à l’autre. » C’est sur ce panel de saveurs que Samuel Maruta et Vincent Mourou misent pour la sortie de leur première gamme de chocolats : ils composent une gamme de six tablettes, incarnant chacune un terroir. Depuis la sortie de ce qui est aujourd’hui devenu l’un de ses produits phares, la chocolaterie Marou a largement élargi son vivier : « Nous travaillons désormais avec plus de 500 fermiers et 25 fermenteurs dans sept provinces différentes, raconte Vincent Mourou. Et nous continuons à en demarcher : une de nos équipes s’est spécialisée dans la recherche de cacao. »
Si l’entreprise a pu croître aussi vite, c’est que le succès a rapidement été au rendez-vous. Quelques mois seulement après avoir acheté leurs premières fèves et élaboré leur cahier de recettes, Vincent Mourou et Samuel Maruta ont confié les commandes du laboratoire de fabrication à un chocolatier venu de France, Arnaud Normand. « Pour produire ce chocolat, nous avons développé notre propre machine car à l’époque, il y avait très peu de machines non industrielles pour la production de chocolat. En parallèle de la production, il nous a fallu développer la marque, sachant que nous n’avions pas de boutique », se remémore Vincent Mourou. Pendant cinq ans, les deux fondateurs se concentrent exclusivement sur la fabrication de leur chocolat noir, leur produit signature. « Le chocolat était alors distribué dans une dizaine de pays : ça a commencé par les États-Unis puis la France. Nous sommes ensuite arrivés en Suède, en Allemagne, au Japon, etc. C’était essentiellement des petits distributeurs spécialisés dans des marques artisanales qui nous commandaient des produits. »
Douze boutiques au Vietnam
À partir de 2016, l’entreprise prend un nouveau tournant avec le lancement du concept « Maison Maou ». À Ho Chi Minh Ville, ils ouvrent un espace où ils installent une petite unité de production pour faire des chocolats mais aussi de la pâtisserie et des boissons…à base de chocolat bien sûr. « Tout était nouveau : on savait faire du chocolat mais pas le reste. Nous avons donc fait appel à une spécialiste, Stéphanie Aubriot qui avait préalablement travaillé chez un grand chez étoilé. Elle a su développer le concept Maison Marou avec brio puisqu’aujourd’hui, nous avons douze chocolateries : sept à Ho Chi Minh Ville, quatre à Hanoï et une à Binh Duong. » L’entreprise ne compte par ailleurs pas s’arrêter là : elle souhaite désormais developper le concept « Maison Marou » ailleurs en Asie. « Il y a pas mal de candidats potentiels : le Japon, la Chine ou encore Singapour. »
Dans ces boutiques, clients internationaux et locaux se côtoient pour déguster des chocolats chauds – « surtout à Hanoï où il y a un vrai hiver, contrairement à Hô Chi Minh-Ville »- mais aussi des pâtisseries et chocolats qui varient en fonction des produits de saison qui poussent au Vietnam : mandarine, menthe, etc. « Nous faisons tout nous-mêmes, à partir des recettes de Stéphanie Aubriot. Et rien n’est perdu : lorsque l’on fait des fruits confits, on réutilise le sirop dans nos boissons ou nos compotes par exemple. » Après des années à ne jurer que par le chocolat noir en tablettes, Marou s’est également lancé dans la conception de chocolat au lait, un produit qui séduit et s’exporte bien. « Nous faisons du chocolat au lait depuis à peine deux ans : en France, le chocolat noir a une place très importante mais ailleurs, les gens aiment souvent les saveurs plus sucrées. Nous avons donc décidé de nous y mettre en commençant par du chocolat au lait de coco, qui pousse à merveille au Vietnam. Quand je vous dis que nous avons tout ici pour produire du 100% local ! »
> Bientôt un entrepôt pour mieux distribuer en France
Lancée il y a à peine a société Marou compte aujourd’hui 290 salariés, en grande majorité Vietnamiens. Elle exporte désormais dans 25 pays, essentiellement aux États-Unis et en Europe. En France, après avoir fait ses armes à la Grande épicerie de Paris (Le Bon Marché), la marque est aujourd’hui vendue aux Galeries Lafayette, au Printemps, et dans un certain nombre d’épiceries fines. « Notre distributeur est à Paris et nos produits sont donc essentiellement vendus en Ile-de-France, note Vincent Mourou. Mais nous souhaiterions être distribués dans tout le pays et allons donc créer un entrepot en France pour stocker nos produits qui pourront ensuite être vendus partout dans l’Hexagone. »