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Portrait d’EFE : Entreprendre à Singapour « permet de travailler avec toute l’Asie »
Qui sont les entrepreneurs français à l’étranger ? Du Vietnam à l’Espagne en passant par les États-Unis, Français à l’étranger vous propose de découvrir le parcours de ces Français qui ont décidé d’entreprendre dans un autre pays, parfois en dépit des difficultés administratives. Ce mois-ci, découvrez l’interview de Sofian Meguellati, fondateur de l’entreprise Hack40, installé entre Singapour et la Corée du Sud depuis 2018.
Français à l’étranger : Vous vivez à Singapour où vous êtes à la tête d’une entreprise. Dans quel secteur d’activité ?
Sofian Meguellati : L’objectif de Hack40 est d’aider les grands groupes internationaux à déployer leurs stratégies d’innovation dans le monde. Nos clients sont assez variés, des groupes cosmétiques comme L’Oréal, à Disneyland en passant par CMA-CGM etc. Nous avons également une deuxième activité, qui concerne aussi la croissance internationale mais pour les startups, notamment de Singapour et de Corée du sud. Nous avons un réseau de 300 experts dans 24 pays et nous les aidons à développer leur stratégie d’implantation à l’étranger. Dans tous nos programmes, que ce soit pour les grands groupes ou les startups, nous avons un réseau d’entrepreneurs mentors qui partagent leurs expériences. Il s’agit d’une communauté d’entrepreneurs, constituée à 50% de Français – notamment Français de l’étranger – mais aussi d’entrepreneurs internationaux (indiens, thailandais, australiens, américains etc).
Pourriez-vous nous raconter la genèse de la création de votre entreprise ?
Nous nous sommes lancés il y a huit ans à Paris avec mon associé, Fabrice Tranier. À l’époque, nous avions tous les deux travaillé dans des programmes d’accélérateurs de start-up, et nous avons tous les deux vu que les grands groupes commençaient à s’intéresser à ces espaces pour s’inspirer. C’est pourquoi nous avons pensé à reproduire la pédagogie créée dans ces accélérateurs pour l’appliquer aux grandes entreprises. L’objectif était de leur permettre d’évoluer avec la même agilité, capacité et rapidité que les start-ups. C’est aussi comme ça qu’on a créé le nom de « Hack40 » parce qu’on s’est dit qu’on allait hacker tout le CAC40. Après ça, nous nous sommes implantés à Singapour, car nos clients ont eux-même un intérêt international. Être à Singapour nous permet de mieux les accompagner, et de devenir le lien entre leurs sièges et leurs régions d’implantation, ce qui nous a mené à adapter notre offre pour qu’elle fonctionne en Asie.
Vous êtes actuellement en Corée du Sud mais avez domicilié votre société à Singapour. Pourquoi ?
Singapour est notre siège pour l’Asie, pour plusieurs raisons : beaucoup de grands groupes comme Alstom, Engie, EDF, CMA-CGM ont des hub d’innovation à Singapour – le gouvernement essaie d’attirer des centres d’innovation en finançant leurs implantation à 50%. En ce qui concerne la Corée du sud, il s’agit d’un pays qui investit énormément dans les extensions internationales pour ses entreprises particulièrement ses startups. Notre activité en Corée concerne donc la branche de notre programme orienté vers les startups, et c’est notre deuxième région la plus importante d’Asie en termes de développement. À titre personnel, je voyage entre les deux pays : je suis à 50% à Singapour et 50% à Séoul. Cela m’a notamment permis d’apprendre le coréen et de développer mon réseau sur place.
Comment décririez-vous la communauté des entrepreneurs français à Singapour ?
Le réseau French Tech (French Tech Singapour, French Tech Shanghai, French Tech Séoul…) est très actif en Asie. C’est extrêmement facile en arrivant dans un pays d’aller trouver un bénévole dans la communauté. Quand un Français arrive il peut toquer à la porte des communautés French tech qui le mettent en relation avec leur carnet de contact, et à ce niveau il y a une réelle entraide. En revanche, je dirais que Singapour n’est pas la région d’Asie où la solidarité est la plus forte. De manière générale, plus le pays est compliqué – je pense notamment à la Chine, le Japon, la Corée où la barrière de la langue est plus forte – plus les entrepreneurs sont solidaires. À Singapour, comme il y a beaucoup plus de Français, et que tout le monde parle anglais, je trouve que les gens ont moins tendance à se regrouper et à s’entraider. C’est pour ça que j’adore la communauté des Français en Corée, qui s’entraide à fond. Après le numéro un de l’entraide c’est le réseautage, le contact.
Que pourriez-vous dire de Singapour à des personnes qui envisagent de s’y installer ?
Pour un entrepreneur en particulier, Singapour permet de travailler avec toute l’Asie – c’est assez central dans la région Asie Pacifique, c’est facile de se déplacer en avion, mais il y a aussi l’aspect de la zone horaire. C’est aussi une région rassurante pour les clients et les investisseurs du fait qu’il s’agit d’un pays bien régulé et transparent, avec une monnaie stable. Nous facturons tous nos clients depuis Singapour qu’ils soient en Chine, à Hong-Kong, en Corée… Les gens ont confiance. D’ailleurs 75% des levées de fonds d’Asie du Sud-Est se font depuis Singapour. De plus, comme c’est un pays avec une population très variée, hétéroclite et cela permet de créer des réseaux et de toucher plusieurs autres pays. Et puis, l’un des grands avantages reste l’imposition très faible sur les entreprises et les personnes ce qui permet de mieux rémunérer les employés. La contrepartie, c’est que la vie à Singapour coûte cher. C’est l’une des villes qui a connu la plus grosse flambée des loyers notamment.
Et que diriez-vous à un Français qui souhaite y monter son entreprise, comme vous ?
Je pense qu’il faut avoir une entreprise qui fonctionne déjà, et ouvrir une filiale à Singapour. Selon moi, c’est la façon la plus simple. Il faut aussi pouvoir mettre un capital de départ. Cela permet de garantir son visa pendant deux ans le temps de faire ses preuves. Au moment de renouveler les visas, le gouvernement demande systématiquement le chiffre d’affaires, et s’ils voient que vous fonctionnez correctement à Singapour, ils renouvellent le visa. Pour les personnes qui sont prêtes à mettre un capital de départ élevé, de leur poche, c’est éventuellement possible de partir de zéro à Singapour mais honnêtement, je ne conseillerais à personne de faire ça. Il n’y a rien de plus compliqué que de créer une boîte en général, alors la créer loin de chez soi, dans un nouveau marché depuis le départ est à mon avis une mauvaise idée. En revanche, c’est aussi ce qui fait le charme des entrepreneurs à l’étranger : ils ont tous une histoire intéressante à raconter, un goût pour l’aventure, un esprit d’avant-garde. Cela me rend fier d’être français et de faire partie de cette communauté.
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