Fini les sacs plastique à usage unique dans les magasins et les grandes surfaces. Ils sont interdits partout au Kenya depuis 2017, remplacés par des sacs en polypropylène, bien moins nocifs pour l’environnement. Et cela se remarque, observe Laure Paugam, directrice exécutive de la CCI France Kenya : « On voit quand même un impact assez fort de cette mesure d’interdiction des plastiques à usage unique. Quand je suis venue en vacances au Kenya, il y a six ans, les routes étaient jonchées de sacs plastique, les gens appelaient ça les « African flowers » (fleurs africaines, ndlr). Aujourd’hui il n’y a plus du tout ça, c’est terminé. »
Issu de la pétrochimie, le plastique est partout : des déchets de toutes tailles se retrouvent déjà au fond des océans et au sommet des montagnes. Des microplastiques ont été détectés dans le sang ou le lait maternel. Reste que selon la Française, cette réduction de la pollution est réservée à une certaine partie de la population : « Il y a une énorme part de la population kényane qui vit avec moins de 80 dollars par mois. Donc, c’est vrai que ces enjeux climatiques, liés aux plastiques et aux emballages, ça ne touche pas tous ces gens qui ont du mal à avoir de quoi manger dans leur assiette, tous les soirs. »
Et si le pays a choisi de s’afficher comme un champion de la lutte contre le changement climatique dans la région, c’est aussi pour des raisons économiques, analyse Laure Paugam : « Tout ce marché des crédits carbone, le Kenya voit ça comme un nouveau secteur économique à développer. Et en effet, le Kenya s’est positionné comme pionnier, avec aussi le Rwanda, sur l’interdiction des plastiques à usage unique. »
L’enjeu est donc de taille pour les négociateurs des 175 pays présents à Nairobi, sous l’égide de l’ONU, à partir de ce lundi 13 novembre.
Des positions divergentes
Les pays se sont déjà réunis à deux reprises, mais le rendez-vous à partir de demain, à Nairobi, sera la première occasion de débattre directement d’un projet de traité international.
Le Kenya ne part pas de zéro sur le sujet. Le pays a organisé, en septembre dernier, le premier sommet africain consacré à la lutte contre le changement climatique : « Il y a beaucoup de chefs d’États qui se sont déplacés, tout comme le secrétaire général de l’ONU, ou la présidente de la Commission européenne. On sent en tout cas qu’il y a une nouvelle conversation qui émerge autour de ces sujets. »
Un large consensus existe mais entre les différents pays, les défenseurs de l’environnement et les industriels du plastique, les positions divergent. Plusieurs pays et des ONG plaident en faveur de l’interdiction des produits plastique à usage unique et de règles plus strictes. Alors que les industriels et les principaux pays producteurs militent de leur côté pour le recyclage et une meilleure gestion des déchets.
Et si le Kenya s’implique ainsi, c’est qu’il est touché de plein fouet par le changement climatique. « En janvier-février de cette année, le Kenya a connu sa pire sécheresse depuis 50 ans, avec des situations dramatiques de quasi-famine dans le nord du pays. Et là, à l’inverse, on est en saison des pluies, et on annonce des pluies torrentielles qui sont tout autant catastrophiques que la sécheresse. »
Il y a donc urgence à agir
La pollution plastique devrait s’aggraver. La production annuelle a plus que doublé en 20 ans pour atteindre 460 millions de tonnes. Elle pourrait tripler d’ici à 2060, si rien n’est fait. Or, seulement 9% des plastiques sont recyclés. Le plastique joue aussi un rôle dans le réchauffement climatique : il représentait 3,4% des émissions mondiales en 2019, chiffre qui pourrait plus que doubler, d’ici à 2060, selon l’OCDE.
Après le Kenya, les négociations doivent se poursuivre en avril prochain, au Canada, pour se conclure en Corée du Sud, fin 2024. Lire et écouter la chronique ici