L’annonce, en avril 2023, par la Fresque du Climat du franchissement du cap symbolique du million de personnes sensibilisées à travers ses ateliers ne peut que susciter l’admiration. Car la croissance de ce dispositif est exponentielle depuis qu’il a vu le jour en 2015 grâce à Cédric Ringenbach, son fondateur. Au départ, il s’agissait d’un simple jeu visant à sensibiliser les citoyens aux enjeux climatiques. Aujourd’hui, l’aspect ludique demeure, mais le jeu s’est transformé en une association qui compte désormais une centaine de référents internationaux et propage sa vision partout dans le monde.
Un jeu de 42 cartes
Grâce à cette association, le nombre de participants a d’ailleurs continué de grimper depuis le fameux cap du million en avril : il s’établissait à 1,2 million en septembre 2023… dont 3 400 aux Émirats arabes unis. « L’objectif fondamental de la Fresque du climat est d’accélérer la compréhension des enjeux climatiques au niveau mondial, pour contribuer à déclencher au plus tôt les actions nécessaires à la préservation du vivant », explique Alex Misseri, à la tête de la communauté de « fresqueurs » des Émirats arabes unis. Lors d’ateliers qui durent trois heures, les participants – entre cinq et sept personnes par table – se saisissent d’un jeu de 42 cartes sur lesquelles apparaissent les causes et les conséquences du réchauffement climatique. » Cédric Ringenbach a conçu ces cartes à partir des rapports scientifiques du GIEC. Le jeu est aujourd’hui disponible en 45 langues.
Dans un deuxième temps, les « fresqueurs » (les animateurs) demandent aux « fresqués » (ceux qui participent à l’atelier) de laisser parler leur créativité et de personnaliser leur fresque en dessinant les liens de cause à effet entre les cartes, puis de trouver un titre pour leur fresque. « Ce moment de créativité leur permet d’intérioriser les nombreux impacts du changement climatique, mais aussi d’ancrer leur apprentissage. Car nous partons du principe que c’est en faisant qu’on retient le mieux », note Alex Misseri. Il précise qu’aujourd’hui l’association compte 58 000 fresqueurs à travers le monde, dont 200 aux Émirats arabes unis. « En moyenne, quatre ateliers sont organisés chaque semaine aux Émirats, et nous passerons certainement à un par jour à partir de novembre. »
Des audiences variées
Dernière étape : l’échange entre participants qui, forts de ce qu’ils ont appris, abordent ensemble les grands défis liés au changement climatique et les potentielles solutions qui sont à la portée des uns et des autres. « Cette dernière heure nous permet de nous adapter à notre audience. Nous n’allons pas animer les discussions de la même manière avec une entreprise qui a déjà une stratégie de développement durable qu’avec une structure qui n’a encore aucune politique en la matière. » Afin de toucher aussi les milieux scolaires, l’association a par ailleurs développé deux autres versions du jeu : l’une pour les 9-14 ans et l’autre pour les 14-18 ans.
Car depuis sa création, la Fresque du Climat s’est déployée partout, afin de toucher un maximum de monde. « Le seul prérequis est de savoir lire car le jeu s’adresse autant à quelqu’un qui n’a jamais entendu parler de gaz à effet de serre qu’à des personnes déjà averties », précise Alex Misseri. Des grands groupes (EDF, Suez, Total Energies, etc.) aux grandes écoles (HEC, Sciences-Po, etc.) en passant par les responsables politiques et les fonctionnaires, tous ont aujourd’hui fait appel aux équipes de la Fresque du climat.
Un engagement avant tout bénévole
Cette pluralité dans le profil des participants s’observe également aux Émirats arabes unis, même si c’est d’abord la communauté française locale qui a découvert le jeu. « Nous avons commencé avec des entités comme l’Alliance française, la Chambre de commerce et d’industrie et Business France », raconte Alex Misseri. Des établissements d’enseignement supérieur comme La Sorbonne Abu Dhabi et l’École 42, ou culturels comme l’Institut français ou le Louvre Abu Dhabi y ont également pris part. « Nous travaillons désormais beaucoup avec les institutions émiriennes : le 31 janvier 2023, nous avons par exemple animé une Fresque pour l’équipe du ministère émirati du Changement climatique, de l’agriculture et de l’environnement. » Parmi les autres institutions et entreprises du pays qui ont participé aux ateliers de la Fresque aux Émirats arabes unis, on trouve le ministère de l’Énergie, Emirates Nature (WWF) mais aussi les compagnies aériennes Air France et KLM, les entreprises pétrolières Adnoc et Total Energies, la société de transport international CMA CGM, les banques Natixis et Crédit Agricole, etc.
Côté fresqueurs aussi, les profils internationaux se multiplient aussi. Monté en février 2022 par Alex Misseri et l’un de ses amis, le collectif qui rassemble les fresqueurs des Émirats arabes unis a d’abord accueilli des Français avant d’être rejoint au bout de quelques mois par des arabophones, des hispanophones, des personnes de nationalité indienne ou encore néerlandaise. « L’engagement des facilitateurs est avant tout bénévole. Mais certains se font payer – les fresqueurs pros – pour les ateliers qu’ils animent, ce qui est mon cas. Nous effectuons néanmoins tous un certain nombre d’ateliers gratuitement. Et à chaque fois que nous effectuons une prestation payante, nous devons reverser 10% de royalty fees à l’association », précise Alex Misseri, expliquant que depuis sa création, le collectif a formé plusieurs dizaines de ces fresqueurs professionnels.
En bonne position pour la COP 28
Cette main-d’oeuvre supplémentaire ne sera pas de trop alors que les Émirats arabes unis accueillent entre le 30 novembre et le 12 décembre 2023 la COP 28 à Dubaï. Pour Alex Misseri, l’organisation de cette conférence internationale s’inscrit dans un contexte où les Émirats arabes unis souhaitent montrer au reste du monde que leur transition énergétique est bien amorcée, contexte qui a permis à la Fresque du climat de se développer dans le pays. « En moyenne, l’habitant des Émirats a une empreinte carbone deux fois supérieure à celle d’un Français. Il y a donc du travail, mais le cap est fixé ici et l’État souhaite vraiment avancer sur ce sujet. »
Lors de l’événement, l’association de la Fresque du Climat espère toucher un maximum de personnes. « Notre objectif est de faire connaître le projet aux organisateurs de cette COP 28, mais aussi aux dirigeants politiques qui s’y déplaceront, aux entreprises qui n’ont pas encore entendu parler de nous, etc. Nous sommes donc en train de mettre en place des partenariats avec plusieurs organisation gouvernementales et non gouvernementales pour mener des actions communes pendant la COP28. » Des ateliers seront par ailleurs organisés pour toujours sensibiliser davantage de personnes. Car Alex Misseri en est convaincu : « Même les plus dubitatifs évoluent parfois après avoir suivi l’atelier ». Optimiste, il juge que si pour certains participants il y a véritablement un « avant/après » avec cet atelier, pour d’autres, l’effet est moins immédiat, mais « cela permet de planter dans tous les esprits une petite graine qui va germer progressivement ».