Il alterne couplets français et punchlines en mandarin. Malgré son retour en France, les chansons de MC Max – Maxime de son vrai nom – restent marquées par ses dix ans en Chine. En témoigne son passage dans l’émission musicale « Le Radar » (lancée par le YouTubeur Pierre Croce et amassant plus de 100 000 vues) le 12 novembre 2023, où le rappeur de 33 ans a séduit le jury par sa capacité à passer d’une langue à l’autre. « J’ai commencé à apprendre le chinois parce que mes parents me l’ont conseillé, principalement pour m’ouvrir des opportunités en termes de carrière. » raconte-t-il. En choisissant l’option chinois en classe de seconde à Nantes, il ne savait pourtant pas encore que la langue allait devenir sa signature musicale.
« Dans le cadre de mes études de commerce, je devais réaliser un échange universitaire, poursuit MC Max. J’apprenais le chinois depuis mes quinze ans, donc j’ai décidé d’aller en Chine, à Xi’An au nord-ouest du pays ». Un choix judicieux, car il décroche un stage de fin de formation dans la ville de Nantong, débouchant sur une offre d’emploi. « On m’a proposé un poste de directeur d’entreprise alors que j’avais à peine vingt ans. C’est une opportunité que je n’aurais jamais eue en France, donc j’ai accepté tout de suite et me suis dit que je ferais une partie de ma vie en Chine. » Mais au bout de quelques années, le jeune Français réalise que ce mode de vie ne lui convient pas. « J’avais un bon poste, je gagnais bien ma vie, mais tous les matins quand je me levais, je n’avais aucune envie d’aller au travail. »
« Le plus important en tant qu’artiste, c’est de s’imprégner de la culture »
En 2015, un événement extérieur à son travail le pousse à démissionner. « Une personne est morte sous mes yeux. Cela a été un véritable choc pour moi, j’ai réalisé que je n’avais qu’une vie et qu’il fallait que je la vive à fond, en faisant des choses que j’aime. ». Et ce qu’il aime depuis très jeune, c’est la musique : il pose sa démission et investit en ouvrant une boîte de nuit, une école de DJ et une agence de booking. « J’étais actif dans le milieu de la musique, j’organisais des événements, je côtoyais des artistes… Et en 2016, j’ai aussi recommencé à composer des morceaux de mon côté. » Désireux d’écrire pour le public chinois, il choisit de rapper en mandarin, et poste sur les réseaux sociaux pour se faire connaître.
« Le plus important en tant qu’artiste à l’étranger, c’est de s’imprégner de la culture. Je voulais montrer aux Chinois que même si j’étais un étranger dans leur pays, je connaissais leur langue et leur mode de vie. » explique le rappeur. Le succès est immédiat : en 2018, il est invité sur le plateau du programme « Rap of China », équivalent local de « Nouvelle école » en France, un télécrochet dédié au rap. « Ça a buzzé direct », se rappelle MC Max. Cette visibilité lui permet de se lancer en tant qu’artiste. Des résidences en clubs aux scènes rassemblant « des dizaines de milliers » de spectateurs, le rappeur parvient enfin à « vivre de [sa] musique ».
Une ascension fulgurante bouleversée par la pandémie
En 2020, l’épidémie du Covid-19 frappe la Chine. « Je commençais aussi à avoir envie de quitter la Chine parce que j’avais l’impression de toucher à une célébrité qui n’était pas légitime » explique le rappeur. Cette image de « blanc qui rappe en chinois », l’impression de « devenir une bête de foire », ne convient plus à ce musicien porté sur le rap à texte. « J’ai des messages à faire passer à travers mes chansons, mais cela importait peu au public chinois. » Si MC Max reconnaît les avantages que lui apportent la scène chinoise – solidarité entre les artistes, engouement du public, etc. – il se sent aussi entravé par le contexte politique. « Mes messages étaient beaucoup plus simples, je ne pouvais pas aborder tous les sujets que je voulais, sous peine de me faire renvoyer du pays. » Aussi, « trois mois de confinement à la chinoise » achèvent de convaincre le musicien qu’il est temps de faire ses valises.
« J’avais des amis qui lançaient un business en Pologne. Ils m’ont proposé de les rejoindre donc je suis parti, alors que je ne parlais pas un mot de polonais. ». Mais ce projet tombe finalement à l’eau. « Ils m’ont dit au bout de dix jours qu’ils ne pourraient pas me garder, faute de moyens », se souvient-il, amer. Seul à Varsovie, le rappeur rejoint des groupes Facebook d’expatriés français et découvre avec surprise que l’Europe ne prend pas encore la pandémie au sérieux, ce qui lui semble être une erreur, pour avoir été aux premières loges. « Plutôt que d’écrire un pavé sur les groupes d’expats » il décide alors d’expliquer la situation en musique. « C’était sans prétention, j’avais laissé une grande partie de mon matériel en Chine. J’ai écrit un morceau pour raconter ce que j’avais vécu, en amateur et je l’ai posté. » Résultat: six millions de vues en ligne, des mentions dans les médias…son morceau intitulé « Ensemble » génère « un buzz incroyable ».
« Repartir de zéro »
« Je me suis dit que c’était un signe : moi qui comptais mettre la musique de côté, je sors un morceau en français et il explose. » Pour s’adresser à un public français, le musicien réalise qu’il doit « repartir de zéro ». Il investit YouTube, Facebook, Instagram…Tous les réseaux sociaux interdits en Chine. Il y rebâtit son identité d’artiste. « J’étais de plus en plus suivi, et cet engouement m’a convaincu que c’était le moment d’essayer. » Il lance une campagne de financement pour sortir un projet de 8 titres, et réunit 7 000€. En 2021, son passage sur Planète Rap – émission de radio dédiée au genre musical – génère un million de vues sur YouTube. « J’ai rappé en chinois, et ça a explosé. Ce buzz médiatique m’a fait comprendre que c’était le bon moment pour rentrer en France, parce que le public français s’intéressait à ce que je faisais. »
Après plus de dix ans passés à l’étranger, le rappeur revient dans l’Hexagone en décembre 2021. Son dernier EP, extended play, se compose de 9 morceaux, dont un seul en mandarin. « J’essaie de me détacher de cette image du ‘mec qui rappe en chinois’, même si je sais que c’est ce qui génère de l’intérêt, et j’accepte l’idée que lorsqu’on m’invite sur des plateaux c’est pour que je chante en mandarin. » Selon lui, la scène française est très différente de l’environnement musical chinois. « En France comme dans beaucoup de pays occidentaux, l’industrie de la musique est un milieu de requins, on y évolue grâce aux contacts. C’est très différent de la Chine où tous les artistes s’entraident. » Mais elle a aussi des bons côtés, comme une « plus grande liberté d’expression ». Il évoque aussi la « proximité avec le public » : « je fais parfois des concerts très intimistes avec juste quarante spectateurs et un pianiste. » Même si le rappeur conserve une activité alimentaire dans le digital, il compte bien poursuivre sa carrière musicale et ses engagements personnels, notamment dans le domaine de la santé mentale. « Je trouve que c’est une bonne raison de vivre que de pouvoir aider les gens à aller mieux à travers ce que j’écris » conclut-il dans un sourire.