Signé en 2019, après plus de 20 ans de négociations complexes, le traité ne prévoit rien moins que la création de la plus grande zone de libre-échange de la planète, entre l’Union européenne d’un côté, l’Argentine, le Brésil, l’Uruguay, le Paraguay et bientôt la Bolivie d’autre part, mais il n’a toujours pas été finalisé.
Des tensions sont encore apparues cette année, quand les Européens ont présenté de nouvelles exigences en matière de respect de l’environnement, lutte contre la déforestation notamment, assorties de sanctions en cas de manquements. Cet échec est dû aussi aux différences de normes pour l’agriculture, entre ce bloc sud-américain et l’UE, analyse Bertrand Dupont, chef d’entreprise à Rio de Janeiro et conseiller des Français de l’étranger : « On a des normes en France et en Europe de conservation de l’environnement, de régulation avec la PAC des volumes produits, et d’utilisation de pesticides, qui sont quand même beaucoup plus stricts en Europe, que ce qu’on a dans le Mercosur. D’ailleurs, juste avant la COP 28, le Brésil a voté une loi qui facilite l’approbation de nouveaux pesticides ici. »
Concurrence déloyale
Sans compter les coûts de production au Brésil, qui sont très inférieurs à ce qu’ils sont en Europe, d’où un sentiment de concurrence déloyale de la part des éleveurs français, notamment. Les négociateurs eux, restent sur leur faim : « Les capacités de production agricole sont limitées mondialement, et l’Amérique du Sud, en particulier le Mercosur, ont des capacités de production importantes. Et puis ça ouvrait aussi de nombreuses opportunités pour les industriels européens et donc français, avec une réduction des impôts substantielle, par rapport à des marchés émergents qui ont du potentiel. »
Les ponts ne sont pas pour autant rompus. Dans leur communiqué final, ce jeudi, le Mercosur et l’Union européenne écrivaient vouloir conclure « rapidement » cet accord commercial entre les deux blocs. Aucune précision de calendrier n’a été fournie.
Un accord mal rapiécé
En Europe, ce sont surtout la France et l’Irlande qui freinent. Il y a quelques jours encore, Brasilia espérait pouvoir annoncer un dénouement, à l’occasion du sommet. Mais des blocages persistants ont douché cet espoir. Lula a pointé du doigt le « manque de flexibilité » des Européens, fustigeant notamment le « protectionnisme » de la France.
Au Brésil, l’affaire est en tout cas de toutes les discussions, assure Bertrand Dupont : « Il y a un respect commun. Ça permettrait d’ouvrir des marchés du Mercosur un peu plus à l’Europe, et de diversifier une dépendance à la Chine qui est quand même très importante aujourd’hui. Donc, on en parle énormément ici. »
Peu après une rencontre avec son homologue brésilien à Dubaï, en marge de la COP28, Emmanuel Macron avait jugé le projet d’accord actuel « mal rapiécé », estimant qu’il « ne prenait pas en compte la biodiversité et le climat ». Mais tout n’est apparemment pas perdu, le locataire de l’Élysée a prévu un déplacement au Brésil en mars prochain pour aller continuer de négocier cet accord.
Au-delà des divergences sur le contenu d’un accord, un autre facteur a fortement contribué à retarder encore l’issue des négociations : l’élection récente en Argentine de l’ultralibéral Javier Milei, qui doit être investi ce dimanche. Lire et écouter la chronique ici.
Aller plus loin
- Le site officiel du Mercosur
- La société de conseil de Bertrand Dupont au Brésil, « Otimiza Brasil »