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Laetitia Dive
11 décembre 2023

Relations franco-algériennes : le député Frédéric Petit mise sur la « diplomatie des sociétés civiles »

Dans un rapport présenté en octobre 2023, le député Frédéric Petit (7e circonscription des Français établis hors de France) préconise de s'appuyer davantage sur la société civile algérienne et sur les réseaux de coopération culturelle afin de lever les blocages persistants entre les deux États.

« La relation de la France à l’Algérie doit mobiliser, sans relâche, la ‘diplomatie des sociétés civiles’, pour préparer l’avenir. » Voilà le constat du député Frédéric Petit (7e circonscription des Français établis hors de France) dans son rapport pour avis sur le budget de la diplomatie culturelle ou d’influence présenté le 18 octobre 2023. Le parlementaire y fait le constat de « la permanence des blocages de la relation bilatérale d’État à État », évoquant une « relation qui paraît tout aussi foisonnante au plan humain que dysfonctionnelle au plan politique ».

Il mentionne tout d’abord les trois déclarations communes de chefs d’État qui étaient censées, à chaque fois, « marquer l’entrée dans une nouvelle ère de partenariat » : Jacques Chirac en 2003 et François Hollande en 2012 – tous deux avec le président algérien Abdelaziz Bouteflika – puis Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune en août 2022. Le député évoque aussi la signature de dix accords sectoriels (tourisme, énergie, éducation, agriculture, etc.) à l’automne 2022. « Il fait peu de doute que cette nouvelle relance de la coopération va butter sur les mêmes obstacles que les précédentes tentatives », déplore Frédéric Petit, expliquant que la signature de ces accords a d’ailleurs été suivie d’une période de tensions diplomatiques début 2023.

Des blocages « structurels »

Au-delà de ces tensions épisodiques, le député fait savoir que « de nombreux interlocuteurs lui ont indiqué qu’ils considèrent que, de façon structurelle, ‘les accords signés n’engagent pas le partenaire algérien’. » Il pointe notamment du doigt « l’instabilité, l’illisibilité et la précarité de l’administration, y compris aux plus hauts niveaux hiérarchiques » et note que « les coopérations initiées sont rarement interrompues de façon formelle par la partie algérienne : elles cessent faute d’interlocuteurs ou du moindre accusé de réception aux sollicitations du partenaire, sans que le choix d’une rupture soit assumé.

Le parlementaire insiste aussi sur l’existence, en Algérie, d’une « hostilité à la France » qui a plusieurs « solides points d’ancrage ». D’abord les avantages dont bénéficient les « 12 millions d’Algériens » qui sont « descendants des combattants réels ou supposés de la guerre d’indépendance ». « Leur position privilégiée dans la société est donc tributaire de la perpétuation d’un discours anti-français », estime le député. Il évoque également la progression de l’islamisme au sein de la société algérienne et les politiques publiques qui visent à « faire reculer l’usage de la langue française, au bénéfice d’une arabisation à forte teneur politique et religieuse, ce qui fragilise des fonctionnaires et élites francophones ». Deux éléments viennent illustrer ce recul : l’existence d’un seul lycée français en Algérie (contre 17 au Maroc) et la coopération universitaire entravée, le gouvernement préférant désormais dispenser des formations en anglais qu’en français dans les établissements du supérieur.

Le rôle clé de l’Institut français

« Si la diplomatie des chancelleries butte, en Algérie, sur un désintérêt du partenaire institutionnel voire sur certaines de ses orientations stratégiques qui nous sont directement hostiles », Frédéric Petit explique avoir constaté, lors d’un déplacement à Alger et Oran, que les réseaux de coopération culturelle ont, eux, un vrai rôle à jouer pour fluidifier les relations entre les deux pays. Il note ainsi que l’Institut français dispose aujourd’hui de cinq antennes dans le pays (Alger, Annaba, Constantine, Oran, Tlemcen) et « déploie une large palette d’activités de coopération artistique en soutenant la diffusion des productions françaises et franco-algériennes ».

L’antenne d’Alger, « l’un des principaux lieux de culture de la capitale », doit d’ailleurs être rénovée pour accroitre accroître sa capacité d’accueil pour « quatre millions d’euros entièrement autofinancés à partir de ses recettes d’activité. » Le député évoque aussi l’Institut français d’Oran, également très fréquenté « par la jeunesse algérienne et les artistes ». Signe du succès de l’institution culturelle en Algérie, son compte Instagram est suivi par 68 000 personnes à ce jour (pour comparaison, celui de l’Institut français en Grèce compte près de 12 000 followers, celui du Portugal environ 3200 et celui de Turquie 41 000). « L’utilisation de canaux de communication différents paraît, en Algérie, de bonne politique », conclut le parlementaire. Dans ce contexte, l’ouverture de nouvelles antennes dans le grand Sud algérien est envisagée.

Des contraintes pour les associations

Le développement de nouvelles actions culturelles est néanmoins en parti tributaire de la politique des visas. « En moyenne annuelle, près de 40 % des intervenants non algériens se trouvent ainsi contraints d’annuler leur participation, souvent à la dernière minute, faute de s’être vus accorder un visa », déplore le parlementaire. Il mentionne aussi « un contrôle administratif important sur les associations » qui empêche « que se développent en Algérie des comités de l’Alliance française », les Alliances ayant le statut d’associations à l’étranger. Malgré ces obstacles, le service de coopération et d’action culturelle (Scac) en Algérie parvient à développer des projets « même autour de questions politiques, culturelles ou sociales dont l’expression est difficile en Algérie, en s’appuyant sur des initiatives locales courageuses ». Frédéric Petit cite notamment le soutien apporté par le Scac à des organisations de femmes qui participent à l’émancipation de ces dernières.

« L’enjeu est aussi, pour notre diplomatie, d’identifier les personnalités d’avenir en Algérie susceptibles de contribuer à une refonte de nos relations à long terme », estime le rapporteur. Il évoque notamment le « programme d’invitation des personnalités d’avenir (Pipa) » du Quai d’Orsay qui s’adresse aux moins de 40 ans et leur permet de séjourner en France « pour y effectuer des rencontres de haut niveau en lien avec leurs activités ». Mais ce programme dépend de l’administration centrale ce qui peut, selon Frédéric Petit, favoriser « les personnalités les plus visibles depuis Paris ». Or, ces dernières ne sont pas forcément « susceptibles de contribuer le mieux à écrire une nouvelle page de l’histoire franco-algérienne » et le député incite donc à mettre en place des outils pour que le poste diplomatique présent en Algérie puisse participer plus activement à cette sélection.

79% d’étudiants algériens en mobilité en France

En matière de mobilités étudiantes, le rapport pointe un paradoxe : alors que le gouvernement algérien exprime un « refus, ouvert ou tacite, (…) d’engager des coopérations universitaires avec la France », l’Hexagone accueille 79% des étudiants algériens en mobilité. « En conséquence, le réseau des espaces Campus France au sein de l’Institut français d’Algérie est celui qui recueille le plus de dossiers de candidature au monde. » Frédéric Petit constate néanmoins un écart entre le nombre de dossiers déposés et l’offre aujourd’hui disponible en France : près de 50 000 dossiers initiés lors de la campagne 2022-2023 pour un peu plus de 30 000 qui reçoivent un avis favorable du Scac et, in fine, 10 525 dossiers acceptés par des établissements de l’enseignement supérieur en France.

Pour mieux cibler les meilleurs profils, le poste diplomatique a établi, en 2022-2023, « des critères de recevabilité spécifiques » : pas plus d’un redoublement, niveau de français égal ou supérieur à B1, etc. Le Scac d’Algérie dispose par ailleurs d’un budget de bourses de 1,45 million d’euros, « soit la deuxième enveloppe mondiale ». 43 bourses « coup de pouce » ont par ailleurs été attribuées « à des étudiants algériens particulièrement méritants et dont les niveaux de revenus auraient pu conduire les services consulaires à devoir leur refuser un visa ».

Renégocier les visas pour les entrepreneurs

Frédéric Petit insiste aussi « sur les difficultés que pose l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l’emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ». Il estime en effet que cet accord n’est pas adapté aux mobilités des entrepreneurs et à la qualité des échanges économiques, empêchant notamment l’application de certains titres spécifiques (« passeport talent », visa « French tech », etc.) Le député invite donc à entamer « une renégociation permettant de mieux prendre en compte la question des circulations professionnelles, tant pour les Algériens en France que pour les Français en Algérie. »

Sont également mentionnés les volontaires internationaux en entreprises (VIE), inexistants en Algérie puisque la législation ne permet pas de leur accorder de visas de long séjour. En 2015, un accord visant à faciliter les VIE au sein des entreprises françaises installées en Algérie avait pourtant été signé. Il permettait d’attribuer un visa de long séjour à maximum 200 jeunes chaque année dans chacun des deux pays. Mais « la partie algérienne ne l’a, depuis lors, pas mise en œuvre ».

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