Le 13 octobre 2023, le groupe Union centriste du Sénat a déposé une proposition de loi organique visant à rétablir la réserve parlementaire en faveur des communes rurales et des associations. Ce texte a fait l’objet d’une discussion en séance publique le 14 décembre et a été adopté par 226 voix et 42 voix contre. L’objectif initial de cette réserve parlementaire, (dont l’existence n’était régie par aucun texte de loi), était de soutenir le tissu associatif ainsi que des projets locaux.
Selon le rapport du sénateur Vincent Capo-Canellas, en 2016 -à titre d’exemple- les subventions attribuées au titre de la réserve parlementaire des deux assemblées représentaient un montant cumulé de 134 millions d’euros (81 millions d’euros pour l’Assemblée nationale et 53 millions d’euros pour le Sénat), pour 23 888 dossiers, soit une subvention moyenne de 5 624 euros par dossier.
Ce système a fonctionné pendant de nombreuses années malgré son opacité sans véritable remise en cause ni questions sur son fonctionnement.
Cependant, en 2014, des voix s’élèvent. A compter de cette date, les parlementaires doivent désormais publier les détails des versements et leur objet.
La « moralisation de la vie politique » voulue par le Président Emmanuel Macron -via l’article 14 de la loi organique n° 2017-1338 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique- mettra fin, à compter de 2018, à la pratique de la réserve parlementaire.
Pour nous Français de l’étranger, cette réserve était un outil important d’influence. Les relations entre les élus et leurs représentants au Sénat permettaient régulièrement de monter des projets locaux pour des montants conséquents.
En 2017, conscient de l’impact de la suppression de la réserve, le ministre des Français de l’étranger, Jean-Baptiste Lemoyne, annonçait la création d’un mécanisme de remplacement, le STAFE (soutien au tissu associatif des Français de l’étranger) présenté plus en détails lors de la session de mars 2018 de l’Assemblée des Français de l’étranger.
Ce dispositif, complexe et témoin d’une logique administrative, est soumis au contrôle et au vote local des élus des Français de l’étranger puis à la décision finale d’une commission nationale où siègent trois élus de l’AFE.
Depuis 2022, des améliorations notables ont été apportées mais partout dans le monde, une fatigue se fait sentir. Les associations se lassent de devoir chaque année réinventer la roue et de trouver des projets innovants à financer, nombreuses sont celles qui estiment une concurrence inégale des Alliances et Chambres de commerce pour qui il est plus simple de remplir ce type de dossier.
Le calendrier est aussi problématique : les décisions locales sont prises en décembre et les décisions finales en mars pour des versements en avril ou mai… Alors qu’une bonne partie des projets ont déjà été lancés…
Nous, élus, regrettons de nombreux dysfonctionnements et décisions à géométrie variable.
Pourtant, nous restons constructifs et sommes persuadés que des ajustements sont possibles en parfait accord avec l’administration consulaire. Faire « vivre le STAFE » est une priorité.
S’écouter pourrait faire que son objectif initial soit maximisé. Le STAFE est une très bonne idée en soit. Mais trop de barrières empêchent encore aujourd’hui ce dispositif de réaliser son objectif initial.
L’enveloppe allouée n’est jamais atteinte ! A qui la faute ? Levons ces barrières ! Discutons ! Rétablissons la confiance ! Favorisons l’écoute et la promotion de ce mécanisme dans tous les postes consulaires et par le biais de l’AFE !
Mais alors pourquoi vouloir rétablir la « réserve parlementaire » quand bien même nous nous battons pour que le STAFE trouve une bonne vitesse de croisière ?
En votant le retour de cette réserve, les sénateurs, dont plusieurs représentant les Français de l’étranger, semblent principalement voter le retour de leurs privilèges et céder à la facilité.
Au lieu de se battre et de lutter pour de vrais pouvoirs décisionnaires en la matière pour les élus locaux -certains de nos représentants le font cependant- ils semblent vouloir, en total décalage avec la situation actuelle et l’image dégradée des élus, remettre en place un système décrié et incarnant la politique d’un temps révolu.
Nous le redisons, nous souhaitons au contraire que le système du STAFE soit amélioré pour que les dossiers défendus localement soient soutenus et validés par l’administration et les élus à Paris.
Nous souhaitons que l’administration fasse « confiance » à l’expertise des élus. Que l’administration, non sans faire son travail, travaille main dans la main avec les élus. Nous souhaitons ainsi que le STAFE permette aussi de soutenir des projets de rénovation et d’investissement matériel.
Nous souhaitons que les parlementaires qui ont voté cette PPL rétrograde se battent plutôt à nos côtés pour améliorer le système en place, dans lequel nous jouons un rôle pivot, plutôt que de revenir à un passé où la décision collective des élus de terrain n’avait pas encore remplacé le clientélisme des parlementaires.
Fort heureusement, certains ont compris l’aberration d’un retour en arrière…
La magie de Noël serait que ceux qui n’ont pas compris se rapprochent de nous, élus, pour savoir réellement ce que nous attendons d’eux…
Hélène Degryse et Elise Léger