Etudier et travailler
Quelle attractivité pour l’enseignement supérieur français ?
La France occupe le sixième rang des pays accueillant des étudiants étrangers, selon le dernier rapport de Campus France. Les frais de scolarité peu élevés dans l’enseignement supérieur et les bons taux d’embauche post-diplôme lui confèrent d’indéniables atouts, même si la croissance des inscriptions est un peu moins marquée qu’au niveau mondial.
« En France, on observe une forte reprise du nombre d’étudiants étrangers accueillis », se félicitait Campus France dans son dernier rapport annuel, publié en juin 2023. L’établissement public pour l’enseignement supérieur souligne une croissance de 22% entre 2015 et 2020 des effectifs d’élèves étrangers scolarisés dans le supérieur français. Cette augmentation est notamment due à la valorisation des mobilités étudiantes dans le cadre professionnel, selon Jean-Christophe Dumont, chef de la division des migrations internationales à l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économique) : « Ce phénomène s’explique par une augmentation générale du niveau d’éducation. Dans ce contexte, le fait de réaliser une partie de ses études à l’étranger permet de se démarquer dans le milieu professionnel. » À l’échelle nationale, l’expert précise que s’il existe des raisons « structurelles » à l’attractivité des études supérieures françaises, l’augmentation des effectifs d’élèves étrangers est également le fruit d’une « stratégie gouvernementale de promotion de la France ».
Toutefois, comme le souligne la direction générale de Campus France dans le rapport d’activité de l’agence, « cette croissance française de 22% demeure moins rapide que la moyenne mondiale de 32%. » Un retard qui lui a notamment fait perdre deux places dans le classement des principales destinations d’accueil des mobilités étudiantes établi par l’institut de statistique de l’Unesco. En 2015, elle était quatrième au classement mondial. Elle se situe désormais en sixième position derrière les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Australie, l’Allemagne et le Canada. « Contrairement à d’autres pays européens comme les Pays-Bas ou l’Allemagne, les cours sont dispensés principalement en français et pas en anglais. Cet aspect linguistique peut constituer un obstacle, notamment aux mobilités intra-européennes », observe Jean-Christophe Dumont. Selon Campus France, seulement 15% des étudiants internationaux en France étaient européens sur l’année 2021-2022. « À titre de comparaison, les Européens représentent 30% des étudiants internationaux en Allemagne », précise l’expert de l’OCDE.
Des étudiants issus d’Afrique du Nord… et de Chine
Si la francophonie constitue un frein pour les populations européennes anglophones, elle est en revanche un facteur d’attractivité pour d’autres régions du monde, selon l’expert. « La France s’adresse à un public francophone important et en croissance, particulièrement issu du continent africain où les systèmes d’éducation supérieure ne sont pas toujours aux standards internationaux », explique-t-il. Les derniers chiffres de l’Unesco indiquent que le Maroc est le premier pays d’origine des étudiants étrangers en France, avec plus de 34 000 personnes en mobilité. C’est 11 000 de plus que la Chine, qui arrive à la seconde position, au coude-à-coude avec l’Algérie. « Le Maroc et l’Algérie sont les principaux pays d’origine des immigrés toutes catégories confondues, précise Jean-Christophe Dumont. Il n’est donc pas surprenant que la majorité des étudiants internationaux proviennent de ces régions. »
Quant à l’empire du Milieu, il représente « le principal pays d’origine des étudiants internationaux dans tous les pays de l’OCDE ». « L’émergence de la classe moyenne en Chine contribue à ce phénomène car les populations ont désormais les moyens d’envoyer leurs enfants réaliser leurs études à l’étranger. » Les chiffres du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche montrent aussi que seulement 55% des étudiants en provenance d’Asie étaient inscrits à l’université, contre 75% des étudiants africains et 62% des étudiants nord et sud-américains. Par ailleurs, un quart d’entre eux choisissent de poursuivre leurs études dans les écoles de commerce. Les chiffres montrent également que d’une manière générale les étudiants internationaux en France sont proportionnellement plus susceptibles de choisir les cursus en école de commerce ou d’ingénieur que les Français.
Des frais de scolarité accessibles
Si les écoles d’ingénieur et les CPGE (classes préparatoires aux grandes écoles) attirent peu d’étudiants étrangers (8% et 2%), 15% d’entre eux font le choix des écoles de commerce. Ce cursus présente la plus forte augmentation d’élèves internationaux, avec des effectifs qui ont doublé en cinq ans. Mais la plupart s’inscrivent dans le public : deux tiers des étudiants étrangers en France choisissent sont à l’université selon le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche. Le rapport de Campus France montre également que les cursus les plus suivis par ces élèves sont les sciences exactes, qui regroupent 32% des effectifs, suivi des formations de lettres (30%) et d’économie (18%). « Un aspect qui joue en la faveur de la France – même s’il a été remis en question récemment – c’est le prix des études supérieures. Par rapport à la moyenne internationale, les frais sont beaucoup moins élevés », souligne l’expert de l’OCDE.
Alors que les frais d’inscription universitaires pour les étudiants étrangers étaient équivalents à ceux des élèves français, la réforme « Bienvenue en France » annoncée en 2018 par Édouard Philippe – alors Premier ministre – a instauré des frais de scolarité différenciés. Ils s’élèvent donc depuis la rentrée 2019 à 2 770 euros pour les inscriptions en licence et 3 770 euros pour les masters. Même si ces nouveaux tarifs restent incomparables aux frais américains ou britannique qui oscillent entre 7 000 et 35 000 euros, il s’agit d’une « augmentation astronomique » selon Jean-Christophe Dumont.« Avant, les tarifs étaient aux alentours de 300 euros – comme ce qui est encore appliqué aux étudiants français – c’était donc quasiment gratuit », déplore-t-il. « Une nouvelle augmentation a été évoquée dans le cadre du projet de loi sur l’immigration. Mais pour l’instant les frais d’inscription sont en partie compensés par le montant des bourses accordées aux étudiants. » Une compensation relative, sachant que sur les 400 000 étudiants et alternants internationaux recensés par Campus France pour l’année 2021-2022, seulement 9 434 bénéficiaient d’une bourse d’aide à la scolarité.
Un atout pour accéder à un permis de travail
La répartition d’étudiants étrangers en France est loin d’être homogène : le ministère de l’Enseignement supérieur et la Recherche souligne que les élèves en mobilité « sont plus représentés dans les académies d’Île-de-France ainsi que dans les académies frontalières, notamment celles de Strasbourg et Nice ». Ainsi, plus d’un tiers des effectifs est scolarisé dans les académies de Versailles, Créteil et Paris – sans surprise étant donné qu’il s’agit des académies les plus fréquentées de France toutes catégories confondues.
« Si les étudiants en mobilité ne représentent que 10% de l’ensemble des étudiants en France, ils constituent 38% des élèves au niveau doctorat », rappelle Jean-Christophe Dumont. Selon lui, « la quantité et l’excellence » des étudiants internationaux entraîne un niveau de recrutement dans le milieu professionnel très élevé par rapport aux autres pays. « Les migrations d’étudiants étrangers dans le supérieur français constituent un élément central dans la rétention de travailleurs qualifiés en France », souligne le chef de la division des migrations internationales de l’OCDE. Ainsi en 2022, la moitié des permis de travail internationaux étaient délivrés à d’anciens étudiants. Et pour l’expert de l’OCDE, cette migration estudiantine en France est significative d’une vision à long terme de la part des jeunes en mobilité : « Ceux qui ont pour objectif professionnel de s’expatrier ont bien compris que le fait de réaliser ses études à l’étranger augmente leurs chances de trouver un emploi dans le pays par la suite. »
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