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« Les campus délocalisés sont la suite logique de la mondialisation »

Cette année, la Conférence des grandes écoles (CGE) a fêté son cinquantième anniversaire. Elle réunit aujourd’hui 300 membres – dont 238 grandes écoles – et a notamment pour mission de promouvoir ces établissements sur le plan international. Entretien avec Léon Laulusa, vice-président en charge des relations internationales à la CGE et directeur général de l’ESCP.

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Léon Laulusa

Français à l’étranger : Qu’est-ce que la Conférence des grandes écoles et quelles sont ses missions ?

Léon Laulusa : La Conférence des grandes écoles (CGE) est une association qui rassemble des grandes écoles, entreprises et différents organismes. Nous avons aujourd’hui environ 300 membres, dont 240 grandes écoles qui représentent des disciplines variées : écoles d’ingénieurs, de commerce, sciences politiques, journalisme, formations militaires, etc. Toutes sont reconnues par l’État et délivrent a minima un diplôme équivalent au master. Parmi nos membres, nous comptons également la CCI Paris Ile-de-France, EDF, LVMH mais également des associations d’alumni ou de professeurs.

Quant à nos principales missions, elles sont au nombre de trois. Nous sommes d’abord un cercle de réflexion. Nous produisons ainsi des synthèses et études tous les ans qui portent sur des sujets aussi variés que l’insertion de nos diplômés, l’ouverture internationale des grandes écoles ou encore un baromètre de l’ouverture sociale. Nous avons également un rôle de représentation de nos membres auprès des acteurs publics et des la société pour des sujets qui ont trait à l’enseignement supérieur, l’apprentissage par exemple. Enfin, nous sommes un organisme accréditateur de formations. Cette accréditation garantit la qualité des programmes proposés par les écoles, notamment notamment le label Mastère Spécialisé®. C’est un gage de qualité supplémentaire pour les établissements.

Constatez-vous, au sein de la CGE, que certaines formations sont-elles plus prisées que d’autres en France par les étudiants étrangers ?

Toutes les écoles membres de la Conférence des grandes écoles accueillent des étudiants internationaux. Mais si certaines en accueillent plus que d’autres, c’est notamment en raison de la barrière de la langue. Ainsi, un établissement qui propose des cursus en anglais va attirer plus d’étudiants étrangers qu’un autre qui ne dispense que des cours en français. Les grandes écoles de commerce offrent aujourd’hui presque toutes des formations en anglais et ce sont donc les plus prisées par les étudiants internationaux. Les écoles d’ingénieurs et les instituts de sciences politiques arrivent juste derrière, sachant que des cours de français sont toujours proposés aux étudiants, même quand l’intégralité du cursus est en anglais.

Néanmoins, le premier critère étudié par les élèves reste l’excellence académique de l’établissement : c’est ce qu’ils viennent chercher en premier, une formation reconnue dans leur domaine. L’accueil, l’accompagnement dans la recherche de logement ou dans la demande de visa sont également des éléments que certains étudiants internationaux prennent en compte.

Comment est perçue la France en matière d’accueil des étudiants internationaux ?

Nous faisons partie des six pays qui accueillent le plus d’étudiants internationaux dans le monde. Nous devons cette place à la réputation d’excellence de nos établissements et au taux d’insertion professionnelle de nos étudiants qui est de près de 90% six mois après la sortie de l’école. Les frais de scolarité sont par ailleurs peu onéreux par rapport à ceux des universités américaines, britanniques ou australiennes.

Les grandes écoles qui sont membres de la CGE envoient-elles toutes des étudiants à l’étranger pour une mobilité ?

L’exposition internationale est importante dans les deux sens : en termes d’accueil et de mobilité sortante ». Toutes les grandes écoles proposent donc cette mobilité afin que les étudiants puissent découvrir d’autres cultures et une autre approche pédagogique qui contribuera à enrichir leur parcours. Lorsqu’un établissement postule pour devenir membre de la Conférence des grandes écoles, nous regardons par ailleurs ses partenariats internationaux car il s’agit d’un critère important qui contribue à son prestige.

La situation géopolitique actuelle remet-elle en question certains de ces partenariats ?

Nous travaillons en lien étroit avec le ministère de l’Europe et des affaires étrangères à ce sujet. Ainsi, nos écoles ont suspendu leurs relations académiques avec la Russie et l’Ukraine dès le début de la guerre. Plus récemment, ces relations ont également été interrompues en Israël et parfois dans des pays voisins comme le Liban. En ce qui concerne l’ESCP par exemple, nous avons contacté nos élèves et nos professeurs le jour-même de l’attaque en Israël afin de nous assurer de leur sécurité et de demander leur rapatriement. Dans ce type de situation, nous partageons par ailleurs les informations dont nous disposons au sein de la Conférence des grandes écoles, en lien avec le ministère de tutelle.

La mode est aussi à la création de campus délocalisés. Pourquoi cette nouvelle stratégie ?

Les campus délocalisés sont la suite logique de la mondialisation. Pour attirer des étudiants internationaux, les grandes écoles ont en effet deux solutions : soit avoir un partenaire académique prestigieux à l’étranger avec lequel elles peuvent mettre en place des mobilités entrantes et sortantes. Ce système nécessite peu de frais, mais il est limité par les conditions qu’impose l’accord de mobilité et ne garantit pas toujours la cohérence de l’excellence académique.

À l’inverse, un campus délocalisé à l’étranger permet à l’école de maîtriser entièrement les formations qui vont y être dispensées, de choisir les professeurs qui y enseignent et d’accueillir beaucoup plus d´étudiants locaux, qu’ils soient du pays où est installé le campus ou de la région où il se trouve. Ainsi, un étudiant asiatique viendra plus facilement étudier sur un campus situé au Vietnam qu’en France : il y bénéficiera de l’excellence à la française tout en restant à proximité de chez lui. Mais cette stratégie des campus délocalisés coûte beaucoup plus cher car il faut avoir des locaux, recruter des professeurs, honorer des frais de fonctionnement et de développement, etc.

En fonction de son budget et de ses ambitions à l’international, chaque école dessine donc sa propre stratégie, sachant qu’il existe aussi une troisième voie. Certains établissements proposent depuis plusieurs années des programmes conjoints via un accord avec une université étrangère. Les étudiants alternent alors entre les deux campus au fil de leur formation.

Quelle stratégie d’implantation observez-vous dans les différentes écoles ? Selon quels critères s’installent-elles dans tel ou tel pays ?

De manière générale, l’implantation est toujours plus facile dans les pays francophones, ne serait-ce que pour le recrutement de professeurs et de personnels administratifs. Dans les autres pays, il faut nécessairement trouver des professeurs anglophones. La langue peut donc être un premier critère pour une école qui souhaite ouvrir un campus à l’étranger. Les établissements regardent aussi les viviers d’étudiants potentiels dans les différents pays et cherchent à s’implanter là où elles trouveront des profils brillants, intéressés par la formation qu’ils dispensent.

Constatez-vous un meilleur rayonnement pour les écoles qui disposent de ces campus à l’étranger ?

Les campus à l’étranger permettent en effet aux écoles de se faire davantage connaître à l’international puisque ces campus leur permettent d’obtenir une reconnaissance locale voire régionale dans le pays où ils sont implantés. Les étudiants et les professeurs s’intègrent en effet dans l’écosystème local et permettent de faire rayonner l’école auprès d’entreprises, d’institutions, etc. Beaucoup de diplômés trouvent d’ailleurs un emploi dans le pays où ils ont étudié. Ces campus permettent par ailleurs aux écoles de valoriser leur marque académique à grande échelle.

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