Les chiffres officiels donnent le tournis et ils seraient en deçà de la réalité. Les autorités turques annoncent une inflation de 67% sur un an mais, selon des économistes indépendants, la hausse des prix atteindrait près du double : 127% . Conséquence de cette valse des étiquettes dans les magasins, les Turcs jonglent, plus que jamais, avec plusieurs cartes de crédit.
Thibaud Sevin vit depuis 14 ans en Turquie. Originaire de Fontainebleau, ce Français travaille dans l’informatique à Istanbul. Son épouse, turque, est employée dans un cabinet d’avocats. « Les Turcs ont plusieurs cartes bancaires avec des possibilités de crédit sur chacune, détaille-t-il, et font tourner l’argent d’une banque à l’autre pour combler les trous, ce qui leur permet de toujours vivre à crédit. » Depuis quelques mois, les dossiers de recouvrement et de contentieux avec les banques se multiplient.
Marie-Rose Koro vit, elle, à Istanbul depuis près de 20 ans. Élevée en Alsace, ancienne coach, elle est aujourd’hui à la retraite et élue locale, conseillère des Français de l’étranger pour la Turquie. Elle constate que la flambée des prix concerne surtout les produits alimentaires et touche les foyers les plus pauvres mais aussi les classes moyennes turques, soit la majeure partie de la population : « Presque plus personne ne peut se permettre de manger régulièrement de la viande ou des fruits et légumes frais. Les prix s’envolent, les gens se rabattent sur des produits de base comme le pain ou le riz, ce qui crée un problème alimentaire dans certaines régions du pays. »
Spirale inflationniste
Pour tenter d’enrayer cette spirale inflationniste, le gouvernement turc a annoncé un doublement du salaire minimum. Mais cela ne suffit pas, en particulier face à la hausse vertigineuse des prix de l’immobilier. « Même la directrice de la Banque centrale, venue des États-Unis et qui travaille à la Banque mondiale, n’a pas trouvé de loyer avec les indemnités que la Turquie lui verse pour sa fonction, constate Marie-Rose Koro. Elle est retournée vivre chez ses parents ! » Certains loyers auraient même été multipliés par dix depuis l’après-Covid à Istanbul.
Thibaud Sevin affirme, de son côté, que la hausse des prix ne se ressent pas tant que cela au quotidien : « Oui, il y a eu une très forte inflation en fin d’année, dans la période de rentrée scolaire. Depuis, les prix augmentent parfois un peu, parfois ils sont à la baisse. L’inflation n’est ni constante ni croissante. » La mairie d’Istanbul a ouvert un site internet sur lequel les habitants les plus riches peuvent venir régler les factures impayées des familles endettées. Lire et écouter la chronique ici
Pour aller plus loin :
- le Cercle français, l’association de Marie-Rose Koro, à Istanbul, pour la diffusion de la langue française et de la francophonie.