Français à l’étranger : Comment et pourquoi l’aventure International SOS a-t-elle commencé à Singapour ?
Pascal Rey-Herme : Je suis arrivé en Indonésie en 1981 en tant que médecin pour l’ambassade de France à Jakarta. De nombreux groupes français étaient présents et certains d’entre eux avaient des bases importantes dans des régions très reculées. Mais il manquait d’infrastructures médicales sur place et compte tenu de l’éloignement de l’Indonésie, il était impossible d’envisager des rapatriements sanitaires directement vers la France. J’ai alors eu l’occasion d’évacuer des patients vers Singapour et de mieux connaître les services de santé. Après ma coopération en Indonésie, je suis retourné à Singapour voir s’il était possible de créer une base de services médicaux car c’était le seul endroit en Asie du Sud-Est qui disposait d’hôpitaux de qualité, mais aussi et surtout de personnel médical bien formé parlant anglais. J’ai contacté mon ami et entrepreneur Arnaud Vaissié que je connaissais depuis le CP et ensemble nous avons d’abord fondé AEA International (devenue International SOS en 1998) pour fournir aux clients un accès aux services d’assistance locaux, aux cliniques, aux centres d’excellence médicale et aux évacuations en cas de besoin. Nous avons commencé avec 15 employés et rapidement nous nous sommes développés dans toute l’Asie. Singapour s’est donc imposé en raison de ses infrastructures médicales, de la qualité des collaborateurs mais aussi de son aéroport ultra efficace nous permettant de faire des évacuations.
Pourquoi Singapour reste-t-il votre siège mondial ?
Même si le groupe s’est étendu en dehors d’Asie, Singapour restera toujours notre base où nous avons nos directions générales, financières et juridiques. Nous avons des talents partout dans le monde, mais Singapour reste un centre d’excellence. C’est aussi l’un des endroits les plus sûrs au monde, tant pour les personnes que pour les données, et le gouvernement singapourien reste attaché à garder une position équilibrée vis-à-vis des grandes puissances.
Est-ce là aussi que se concentre l’innovation du groupe ?
Elle est fondamentale pour le développement de notre groupe. Nous utilisons la télémédecine depuis plus de trente ans et participons à des programmes de détection de la tuberculose en zones sous-médicalisées, utilisant l’intelligence artificielle. À Singapour, nous avons un « innovation lab » dirigé par un professeur de l’Université de Singapour, et avec des entreprises de la tech nous travaillons plus particulièrement sur les thématiques liées à l’intelligence artificielle. C’est un sujet clé pour améliorer nos services d’assistance à nos clients. Singapour est un endroit très porteur pour l’intelligence artificielle et compte s’imposer comme le leader mondial d’ici 2030.
Singapour reste-t-il le meilleur centre médical en Asie du Sud-Est ?
Singapour est à égalité des meilleurs centres mondiaux et, dans l’objectif de garder une longueur d’avance, investit beaucoup dans le secteur de la santé. En revanche, en raison de la petite taille de sa population, elle n’a pas la taille critique de patients pour avoir un nombre suffisant de cas sur toutes les maladies. Je pense notamment aux maladies rares. Singapour ne peut pas se lancer seul dans des recherches sur le sujet. C’est la raison pour laquelle le gouvernement s’attache à ce que la profession médicale soit en relation avec les centres d’excellence du monde entier et soutient ses étudiants en médecine pour qu’ils puissent se rendre à l’étranger pour enrichir leurs connaissances.