Français à l’étranger : Quelles sont les missions du Conseil scolaire francophone ?
Marie-Pierre Lavoie : Depuis près de trente ans, notre but est de préserver et de faire vivre la langue française et les cultures francophones dans une province à majorité anglophone. Le Conseil scolaire francophone est un conseil scolaire public provincial, où les parents éligibles peuvent envoyer leurs enfants gratuitement. Notre réseau compte 6 300 élèves, répartis dans 47 écoles un peu partout en Colombie-Britannique, dont les enseignements se font en français de la maternelle au lycée. Nous n’avons pour l’instant qu’une seule école exclusivement secondaire, qui se trouve dans le Grand Vancouver.
Seuls les enfants de parents francophones peuvent venir y étudier ?
Marie-Pierre Lavoie : Oui et non, il existe en fait trois critères, inscrits dans le droit canadien, qui permettent aux parents d’être éligibles : avoir reçu une instruction en français au niveau primaire, avoir pour langue maternelle le français, et/ou avoir déjà un enfant dans le système scolaire francophone. Ce qui signifie que n’importe quel parent immigrant en Colombie-Britannique peut, s’il correspond à l’un ou plus de ces critères, inscrire son enfant au CSF. Mais bien souvent, les familles nouvellement arrivées dans la province estiment qu’il vaut mieux faire apprendre l’anglais à leurs enfants. À mon sens, c’est une erreur ! L’enfant apprendra l’anglais partout autour de lui, il est donc primordial de lui assurer une maîtrise du français. D’ailleurs, les évaluations mandatées par le ministère de l’Éducation canadien montrent que les élèves francophones réussissent souvent mieux que les élèves anglophones, y compris en anglais.
Les cours se font donc exclusivement en français ?
Marie-Pierre Lavoie : Oui, c’est la différence avec les cours d’immersion dispensés dans les établissements anglophones, où le français s’apprend en anglais. Nos enseignants et notre personnel d’éducation parlent en français, et nous enseignons l’anglais à partir de la 4e. Le fait d’enseigner dans une langue minoritaire a fait naître un grand esprit de communauté au sein du CSF, surtout dans les plus petites structures. Les parents sont accueillis dans l’école, encouragés à faire partie de la vie scolaire et parascolaire des enfants. Les enseignants et le personnel encadrant, eux, ont le temps de s’intéresser vraiment à leurs élèves, de les accompagner grâce à des classes qui ne sont pas surchargées. Le CSF est d’ailleurs l’un des plus gros employeurs francophones de l’ouest du Canada, avec environ 1 400 salariés.
Comment faire vivre la francophonie dans une province anglophone ?
Marie-Pierre Lavoie : C’est très compliqué. Le CSF est encore jeune, et certains élus n’en voient pas vraiment l’utilité. En 2010, nous avons d’ailleurs poursuivi le gouvernement provincial en justice pour faire valoir l’équivalence réelle en éducation. Nous réclamons les mêmes chances que les conseils scolaires anglophones, des bâtiments à nous, puisque nous louons aujourd’hui une grande partie de nos écoles, ou encore un service de transports efficace pour nos élèves, qui doivent parfois faire plusieurs heures de route pour venir à l’école. La Cour suprême nous a donné raison en 2020, un symbole fort pour toute la francophonie au Canada. Mais ses décisions tardent à être appliquées.
Quels sont vos projets aujourd’hui ?
Marie-Pierre Lavoie : Nous aimerions développer le CSF, puisque, selon les derniers recensements de l’institut statistique du Canada, environ 56 000 enfants sont aujourd’hui éligibles à un enseignement en français dans la province. Mais nous manquons de professeurs, qu’il faut recruter et former, ce qui implique d’ouvrir des places dans les universités. Notre objectif est de faire grandir les enfants qu’on accompagne, et de les voir réussir dans n’importe quel aspect de leur vie, pas seulement scolaire, en célébrant l’inclusivité, la diversité et leur bien-être physique et mental.