Denis Lebouteux exploite aujourd’hui douze véhicules pour ses safaris écolos – 100% recyclés et 100% électriques – tous fonctionnant grâce à l’énergie solaire disponible à foison ici, captée par plus de 3 000 m² de panneaux solaires déployés sur tous ses lodges. Cinq nouveaux 4×4 devraient suivre en 2024. Sa société, Tanganyika Expéditions, installée près d’Arusha, dans le nord du pays, non loin de la frontière avec le Kenya, emploie exclusivement des Tanzaniens au sein de ses lodges et pour la maintenance de ces vieux Toyota désossés et remis au goût du jour. Ces véhicules sans bruit et sans odeur sont un bienfait pour l’environnement, mais aussi pour la quiétude des animaux sauvages visités.
Au-delà, Tanganyika alimente tous ses hébergements en électricité photovoltaïque, a supprimé l’usage des plastiques, produit ses légumes (bio), gère une fondation qui plante chaque année 30 000 arbres (couvrant théoriquement le CO2 émis par chacun de ses clients) et apporte inlassablement, depuis des années, une aide financière à des écoles… Résultat : sa petite entreprise est un succès. Denis Lebouteux affirme que le nombre de ses clients aura augmenté cette année de 50% par rapport à la période avant Covid et de 15% par rapport à 2022. Cela correspond à 18 000 personnes aujourd’hui, dont une moitié de Français, avec un panier moyen, transport aérien inclus, de 3 500 à 4 000 euros.
Un pays fraternel
Pour Denis Lebouteux, ingénieur des Ponts-et-Chaussées passé par Air France, la Tanzanie est un terroir de choix pour les entrepreneurs, dans beaucoup de secteurs. « Qu’on se lance dans la culture des avocats, dans les mines ou dans les services, il y a beaucoup de domaines ouverts, assure le Français. C’est aussi le cas dans le tourisme, bien évidemment. » S’installer en Tanzanie demande toutefois un certain appétit pour l’aventure. « Qu’est-ce qui fait le secret du succès dans ce pays ?, interroge le Français, c’est de ne pas en avoir peur et de l’aimer, ainsi que ses habitants, même si cela ne se décrète pas. Car la Tanzanie peut faire peur, c’est l’Afrique noire, avec ses propres codes. »
Depuis plus de trente ans qu’il vit là-bas, Denis Lebouteux observe que la réussite des étrangers en Tanzanie ne dépend pas de leur business plan, mais plutôt de la manière dont ils vivent, de leur état d’esprit : « J’ai vu beaucoup d’expatriés arriver avec un peu la peur au ventre et sans appétit particulier pour la Tanzanie. C’est un pays extrêmement fraternel, mais il faut l’être soi-même. On est adopté ou on ne l’est pas. C’est cette première clé qui compte. »
Savoir être généreux
Quant aux tentatives de corruption qui, bien évidement, existent ici comme ailleurs, elles peuvent être contournées : « Ceux qui pensent que tout se règle avec la corruption, que c’est la solution à tout et que tout passe par là, ne feront pas de vieux os en Tanzanie. » Denis Lebouteux assure que l’on obtiendra beaucoup plus des interlocuteurs, quel que soit leur poste, aux impôts ou aux parcs nationaux, par la fraternité plutôt que par le pot-de-vin.
« Il faut savoir être généreux, bien sûr, mais de manière élégante, détaille-t-il. Je préfère financer une école ou un orphelinat plutôt qu’une personne. Il est possible de faire de bons investissements en Tanzanie mais il est important d’apprendre les coutumes du pays et de s’intégrer. Si on vous fait l’honneur de vous inviter à un mariage, un enterrement, donc à faire partie de la “grande famille”, il faut savoir être attentif et généreux. Parfois, une situation de deuil, sans les protections que nous avons dans les pays occidentaux, peut avoir des conséquences catastrophiques pour une famille. Il faut donc savoir s’entraider. »