Français à l’étranger : Vous avez fondé la plateforme EasyBizSale aux États-Unis. Pourriez-vous vous présenter et expliquer en quoi consiste votre entreprise ?
Patrick Caraco : J’ai un parcours assez particulier : depuis mes 18 ans, j’ai d’abord créé une entreprise en France, puis à Genève (Suisse) et enfin aux États-Unis. En France, je travaillais principalement dans le commerce de détail et dans le textile, jusqu’à ma reconversion dans l’immobilier quand je suis arrivé en Californie à la fin des années 80. Au fil des ans, j’ai monté plusieurs entreprises dans ce secteur. Mon dernier projet en date s’appelle EasyBizSale : c’est une plateforme de marketing pour la vente des fonds de commerce aux États-Unis et à l’étranger. Nous permettons aux personnes de poster des annonces sur notre site, moyennant des frais mensuels.
Pourquoi avoir choisi les Etats-Unis pour monter ce projet dans l’immobilier ?
Je ne suis pas venu aux États-Unis pour monter cette entreprise mais pour rejoindre mon fils qui s’était installé en Californie, après y avoir étudié dans une école hôtelière. Lorsque nous sommes arrivés ici avec mon épouse, nous avons commencé par lancer une affaire dans le domaine du textile, comme en France. Mais nous nous sommes vite aperçus que ce secteur était très tendu en raison de la concurrence internationale asiatique, c’est pourquoi j’ai décidé de changer de voie. Je suis retourné à l’école à 40 ans, à la fin des années 80 pour obtenir une licence dans l’immobilier et suis devenu « broker » (courtier, en français). J’ai d’abord intégré des entreprises américaines avant de lancer mes propres affaires.
Pourriez-vous nous raconter la genèse de la création de votre entreprise ?
J’ai eu plusieurs vies dans l’immobilier aux États-Unis depuis mon diplôme : promotion, achat de terrains, obtention de permis auprès des constructeurs, etc. Avec des associés nous avons ensuite créé une grande société : nous employions alors plus de 1000 agents immobiliers. Comme beaucoup, nous avons néanmoins dû la vendre à cause de la crise de 2008. Pour rester dans le milieu de l’immobilier tout en réduisant mon activité à cause de mon âge, je voulais créer une entreprise que je puisse gérer depuis n’importe où : c’est l’avantage des plateformes en ligne. C’est pourquoi avec un associé nous avons créé EasyBizSale pendant le Covid. La plateforme a été lancée en 2022.
Quelles difficultés avez-vous rencontré ?
En Californie, la taxation est plus importante que dans d’autres états du pays ce qi a entraîné le départ de beaucoup de gens : au cours des deux dernières années, 250 000 personnes ont quitté la Californie, ce qui n’était jamais arrivé avant ! Beaucoup d’entreprises ont néanmoins pu tirer leur épingle du jeu en démocratisant le télétravail : celles qui n’avaient pas besoin d’être établies en Californie ont pu partir s’installer en Floride, au Texas ou encore en Arizona, tout en conservant une clientèle californienne à distance. C’est le cas de beaucoup de sociétés du secteur de la tech.
Où en êtes-vous aujourd’hui ?
Nous avons mis un an à créer la plateforme et sommes aujourd’hui en discussion avec des investisseurs pour la développer davantage. Nos objectifs de croissance vont dépendre de ces investissements. Une fois que la plateforme sera pleinement développée et efficiente, nous envisagerons soit de la revendre, soit de la faire entrer en bourse car c’est le genre d’activité qui s’y prête bien.
Quels sont les avantages des États-Unis pour entreprendre ? Et les inconvénients ?
L’avantage aux États-Unis, c’est qu’il est possible de partir de rien pour monter une affaire. En revanche, les banques ne feront pas de prêt, sauf si vous engagez votre propre patrimoine notamment immobilier. Mais le plus gros souci pour ceux qui viennent s’établir ici, c’est d’obtenir un visa de travail ce qui est plus difficile qu’avant. Aujourd’hui, en tant qu’entrepreneur, il est possible d’investir et de s’installer avec un visa d’investisseurs pour une durée de quatre ans. Attention néanmoins : les démarches légales ne peuvent se faire qu’avec des avocats.
Quels conseils donneriez-vous à une personne qui souhaite créer son entreprise dans le même pays que vous ?
Le maître-mot aux États-Unis, c’est la flexibilité. Une activité qui fonctionne très bien aujourd’hui n’a aucune garantie de tenir dans les cinq ans à venir, et il faudra savoir rebondir si ça n’est pas le cas. Il faut toujours un plan B. C’est un raisonnement différent, loin de ce qu’on connaît en Europe. Ce que je constate aussi, c’est que la plupart des Européens veulent s’installer à New-York, Miami, San Francisco ou Los Angeles. Mais pour entreprendre, il ne faut pas aller là où tout existe déjà, parce que la concurrence y est effrénée et que vous n’aurez peut-être pas les moyens de vous imposer. Un autre écueil des entrepreneurs étrangers est de vouloir commencer par créer « une petite affaire ». « Petit » ne fonctionne pas aux États-Unis, il faut faire des projets d’une certaine envergure, sinon la clientèle est beaucoup plus dure à attirer.