Français à l’étranger : Singapour est une destination que vous connaissez bien. Vous avez servi au sein de l’ambassade de France de 2002 à 2004 en tant que conseillère politique. En dix ans, qu’est-ce qui a le plus évolué selon vous à Singapour ?
Minh-di Tang : Ce qui m’a d’abord frappée, c’est l’expansion de la communauté française. Il y a une vingtaine d’années, elle comptait environ 3 000 personnes. Aujourd’hui ce sont près de 13 000 Français qui sont inscrits au Registre. Il en va de même pour la population de Singapour, passée dans ce même temps de 4 à 6 millions d’habitants. Mais l’évolution majeure de Singapour est pour moi la modernisation et la capacité de la cité-Etat à gagner sur la mer. Par exemple, tout le secteur de Marina Bay n’existait pas. Et puis il y a aussi ce formidable essor économique qui a encore renforcé son rôle de hub régional commercial, maritime et numérique.
Notre relation bilatérale a été élevée au niveau d’un partenariat stratégique, qu’est-ce que cela signifie ?
Nous avons fêté en 2022 les dix ans de ce partenariat stratégique. Ceci signifie que la relation est suffisamment et riche pour mériter cette qualification. En témoigne le lancement en 2022 de notre partenariat vert et numérique bilatéral qui traduit le souhait de nos deux pays de prolonger cette collaboration en faveur d’une croissance économique durable. Notre partenariat s’appuie également sur une vision partagée du multilatéralisme et ses logiques coopératives, ainsi qu’un attachement commun au respect du droit international, à un moment où des principes fondamentaux de la Charte des Nations unies tels que le respect de l’intégrité territoriale et de la souveraineté des Etats sont remis en cause. Singapour est ainsi un partenaire clé pour la France – et pour l’Union européenne – dans l’espace indopacifique où notre pays entend poursuivre le renforcement de son engagement, notamment auprès de l’Asean dont la cité-Etat est un membre fondateur, dans le cadre du partenariat de développement lancé en mars 2021.
La relation en matière de défense et de sécurité est au cœur de ce partenariat stratégique, quels en sont les axes forts ?
Le maître mot est la confiance, qui repose sur plusieurs points : d’abord une vision très similaire et une approche partagée des enjeux sécuritaires dans la région, fondée sur le respect du droit international public dans tous ses aspects, le respect de l’intégrité territoriale et du droit de la mer fondé sur la convention des Nations unies de Montego Bay, et le rôle dédié au multilatéralisme. Ensuite, il y a Cazaux (base aérienne française située en Gironde, ndlr). Singapour est le seul pays étranger à avoir un détachement permanent de militaires singapouriens au sein d’une base militaire française sur notre territoire national. Enfin, Singapour est aussi le seul pays de la région avec lequel la France dispose d’un accord de soutien logistique mutuel (MLSA) signé en 2022, facilitant nos déploiements aéromaritimes dans la région.
Il convient aussi de noter qu’en dépit de la situation internationale mouvementée, la France a effectué, pour la première fois en l’espace d’un an, des déploiements militaires réguliers de grande valeur dans la région (trois projections aériennes de Rafale accompagnées de MRTT et d’A400M, déploiement du groupe tactique amphibie Jeanne d’Arc, déploiement de la frégate Lorraine…). La France met donc en œuvre concrètement, sur le terrain, sa stratégie de défense pour l’Indopacifique dans laquelle Singapour est un partenaire de tout premier plan. L’intensification de la coopération de défense et de sécurité s’illustre aussi dans le domaine technologique : le 19 avril 2023, le ministère de la Défense de Singapour et le ministère français des Armées ont signé un accord, visant à créer un laboratoire conjoint pour développer des capacités d’IA appliquées à la défense.