Français à l’étranger : Quels étaient les effectifs de la MLF à la rentrée 2023-2024 ?
Jean-Marc Merriaux : Nous avons pu constater une stabilisation de nos effectifs sur l’ensemble du réseau, avec bien sûr des disparités selon les régions. Nous comptions 31 109 élèves l’année précédente, et nous en avons enregistré 30 742 pour cette rentrée, ce qui correspond à une baisse de 1,18%. Il ne s’agit pas d’une baisse significative, mais au Maroc par exemple, c’est la première fois que nos effectifs diminuent. Nous nous apercevons bien que notre dynamique de croissance est relative, nous sommes plutôt sur une période de plateau que dans une dynamique de croissance car nous subissons encore les effets de cette période post-covid. C’est pourquoi pour l’instant, plutôt que de parler d’objectifs de croissance, nous cherchons déjà à maintenir nos effectifs actuels dans nos établissements de pleine responsabilité (EPR), notamment en limitant la baisse des effectifs en maternelle. En revanche, nos objectifs de croissance portent plus sur notre capacité à accompagner les établissements partenaires dans leur processus d’homologation.
Quels sont les enjeux de la maternelle pour le réseau mlfmonde ?
En Espagne, nous constatons une multiplication d’offres préscolaires, alors qu’il s’agissait pendant longtemps d’une spécificité française. C’est pourquoi nous cherchons à valoriser la dynamique de parcours proposée par la MLF, où les élèves sont accompagnés dans le même environnement pendant quinze ans, de la maternelle jusqu’au bac. Nous sommes actuellement en train de structurer une véritable stratégie de recrutement en nous adaptant aux attentes des parents pour la scolarisation de leurs enfants dès le plus jeune âge. C’est à nous de trouver le bon équilibre entre l’apprentissage et l’épanouissement, et nous nous appuyons notamment sur les travaux de la recherche en matière de cycle d’apprentissage sur une journée. Par exemple, un élève est beaucoup plus actif en début de matinée et il est nécessaire d’adapter les apprentissages à leur rythme.
L’un des enjeux de la MLF concerne la formation pour l’accompagnement des élèves à besoin éducatif particulier…
Dans certains pays, nous accueillons jusqu’à 15% d’élèves à besoins éducatifs particuliers. L’enjeu est évidemment de bien les accueillir, mais aussi de donner les outils aux enseignants pour les accompagner. C’est une politique qui nous semble essentielle parce que c’est aussi un élément qui nous différencie des autres offres pédagogiques : l’inclusion d’élèves à besoins éducatifs particuliers bénéficie à l’ensemble de la classe. De plus, il n’existe pas toujours de dispositifs d’accompagnement complémentaires pour ces élèves à l’international. C’est la raison pour laquelle l’année dernière nous avons répondu, entre autres, à un appel d’offres du Secrétariat général pour l’investissement avec les établissements français afin de pouvoir construire un outil d’identification sur les troubles des apprentissages que rencontrent les élèves. Le principe est le suivant : plus on identifie tôt, mieux on accompagne. Cet outil, LISA, devrait être déployé dans nos EPR en septembre 2024, puis élargi par la suite à l’ensemble de nos établissements partenaires.
Quels sont les spécificités pédagogiques du réseau ?
Le plurilinguisme constitue depuis toujours la pierre angulaire de notre modèle. Pour continuer de valoriser cet aspect, à Abidjan nous menons des travaux sur la systématisation d’une politique de certification des compétences linguistiques en langue étrangère, un objectif que nous exporterons par la suite dans nos autres établissements. Cette approche permet de valoriser davantage notre offre éducative et permet de mieux accompagner l’ensemble de nos élèves dans le développement de ces compétences langagières. C’est aussi l’un des pans de notre stratégie maternelle : nous voulons offrir un temps d’exposition aux langues étrangères à nos maternelles de manière plus systématique et plus importante.
Par ailleurs nous accordons énormément d’importance au développement des sciences, technologies, ingénierie, art et mathématiques (STIAM). Il s’agit de renforcer les compétences scientifiques de nos élèves et de leur permettre de développer leur créativité à travers ces enseignements. Cela peut prendre la forme de développement de Fab Labs (« laboratoires de fabrication », qui reposent notamment sur le partage d’espaces, de machines, de compétences et de savoirs, ndlr) dans nos établissements. À Dallas par exemple, nous en avons développé un pour le niveau primaire, avec l’objectif de donner aux élèves des clefs de sensibilisation aux enjeux environnementaux.
Quelle est l’attractivité de l’enseignement supérieur français au sein du réseau ?
Plus de 50% de nos élèves choisissent de s’inscrire dans des cursus français après le bac. Mais ce qu’on observe particulièrement, c’est leur désir de poursuivre des parcours d’enseignement supérieur à dimension internationale. C’est pourquoi nous proposons également un accompagnement affiné en ce qui concerne l’orientation. C’est notamment la raison pour laquelle nous travaillons en collaboration avec le programme « Avenir » développé par l’Onisep sur les questions d’orientation. Cela permet d’identifier toutes les compétences qu’ils ont pu développer dans leurs parcours pédagogiques, en particulier les compétences du XXIe siècle avec un outil de certification parce que ces éléments sont largement valorisés par la suite dans le cadre de leurs parcours professionnels, surtout dans un contexte international.
Le recrutement de la MLF est-il affecté par la pénurie d’enseignants sur le territoire national ?
Les tensions qui existent sur le territoire national constituent une réelle difficulté pour notre recrutement de personnels détachés, c’est un enjeu permanent. Nous recrutons entre 200 et 300 enseignants par an en fonction des années, des départs etc. Il nous faut donc là aussi redoubler d’effort pour identifier des enseignants et qu’ils puissent être détachés dans le cadre de leur académie, étant donné que certaines sont plus déficitaires que d’autres. De plus, la MLF est souvent un peu moins identifiée que l’AEFE, il est donc nécessaire de réaliser des campagnes de communication pour se faire connaître et encourager les enseignants à candidater chez nous. Il existe aussi une nouvelle contrainte : le ministère de l’Éducation nationale a décidé en 2019 de borner le nombre d’années à l’étranger pour les personnels détachés, et les professeurs ne peuvent désormais exercer que six ans à l’étranger. Nous arrivons donc dans ces phases là, plus compliquées, avec des générations entières qui risquent de rentrer en France. C’est pourquoi nous cherchons à valoriser l’expérience internationale pour les enseignants, le développement de compétences spécifiques comme la gestion de postes d’intercycles, des dynamiques pédagogiques différentes…
Quelle est la proportion de personnel détaché ?
Le modèle historique de la MLF repose sur une forte proportion de recrutement local. À l’image de nos effectifs d’élèves, composés à 70% de locaux pour 30% d’expatriés – même si cela varie selon les établissements – nous avons une large majorité de personnels locaux c’est-à-dire approximativement 80%. Cette spécificité implique la mise en place de notre propre dispositif de formation et d’accompagnement de personnels recrutés localement dans leur processus de professionnalisation. Il existe également différents types de recrutés locaux : les titulaires français qui ont fait leur vie à l’étranger et qui ne sont plus considérés comme détachés de l’Éducation nationale, mais aussi les recrutés locaux qui n’ont pas nécessairement suivis un cursus de formation français. Nous leurs proposons des dispositifs de formation initiale et continue, notamment au travers d’accords passés avec des universités pour pouvoir offrir des masters.