Actualités internationales
Singapour se rêve en ville des arts et de la culture
Ville des affaires, ville-jardin, ville intelligente, Singapour se rêve aussi en ville des arts et de la culture. Malgré les investissements massifs et les plans du gouvernement, il manque encore quelques maillons dans l’écosystème pour faire de la cité-Etat un véritable hub artistique régional. Explications avec Marie-Pierre Mol, fondatrice de la galerie Intersections, historienne de l’art et spécialiste de l’art contemporain birman.
Français à l’étranger : Singapour a souvent été qualifiée de « désert culturel ». Est-ce toujours le cas aujourd’hui ?
Marie-Pierre Mol : Je me suis toujours insurgée contre cette réputation de désert culturel. Non, Singapour n’est pas un désert culturel. Même dans les années 90, il y avait déjà du théâtre, de la musique, des expositions. Mais il est vrai que l’offre culturelle s’est considérablement développée ces dix dernières années. En 1996 quand j’ai quitté Singapour il y avait deux musées. Aujourd’hui il y en a plus de cinquante ! Après trente ans axés sur la réussite économique, la cité-Etat a compris la nécessité de développer aussi les arts et la culture, comme outil de soft power. On voit de plus en plus de jeunes artistes qui forment des collectifs et qui gèrent des lieux de création et d’exposition, comme par exemple Starch, fondé par Moses Tan en 2021.Une prise de conscience qui se traduit dans le nouveau plan 2023-2027 du National Art Council qui met l’accent sur la présence d’expositions ou d’événements à travers toute l’île. Autre signal fort : l’importance donnée à la formation en art University of the Arts Singapore, la première université dédiée à l’art de la cité-Etat, née de la fusion entre Lasalle College of the Arts et la Nanyang Academy of Fine Arts
C’est ce foisonnement qui vous a donné envie de vous orienter vers l’art ?
Cela m’a fait réfléchir sur mon orientation professionnelle. Mais le vrai déclic fut ma rencontre avec l’art contemporain birman. J’ai découvert des artistes extraordinaires mais totalement méconnus, en raison notamment de l’isolement du pays. J’ai eu envie d’en faire ma spécialité et d’utiliser Singapour pour offrir aux artistes birmans une visibilité. Comme j’ai toujours aimé apprendre et me former, j’ai fait un master en histoire d’art à Lasalle College of the Arts à Singapour. Puis je me suis lancée. J’ai d’abord fonctionné en mode pop up qui apporte beaucoup de liberté et de flexibilité : lieux insolites ou inhabituels, éventail artistique plus large, public varié. Puis en 2015, j’ai ouvert une galerie dans le quartier de Kampong Glam. Avec le Covid, j’ai fermé la galerie et développé les ventes en ligne. C’est un modèle qui perdure aujourd’hui, auquel j’ajoute bien sûr ma participation à des salons, foires et expositions temporaires. Au-delà des artistes birmans, je représente aussi des artistes singapouriens et des artistes étrangers vivant à Singapour. Je peux compter sur une clientèle à la fois d’expatriés mais aussi de plus en plus de jeunes Singapouriens.
Par son positionnement géographique, Singapour s’est toujours positionné en hub. Peut-on dire qu’elle a réussi à s’imposer en tant que tel en matière d’art en Asie ?
Singapour est le seul pays en Asie du Sud-Est qui a développé des infrastructures culturelles, mais se pose toujours la question de la taille de son marché. C’est un petit pays de 5, 5 millions d’habitants. En 2011, en créant la grande foire Art Stage, Lorenzo Rudolf a contribué à placer Singapour sur la carte du marché de l’art et à attirer l’attention sur les artistes du Sud-Est asiatique. De grandes galeries internationales ont ouvert. Beaucoup a été fait mais il faut du temps pour développer un écosystème solide sur ce marché. L’Association des galeries de Singapour (Agas), dont Intersections est membre et dont je suis vice-présidente, s’y emploie activement avec de nombreuses initiatives comme le Singapore Gallery Weekend. Art Stage n’a pas survécu mais l’année dernière, une nouvelle foire Art Sg a fait ses premiers pas à Singapour, attirant les grands collectionneurs internationaux dont les artistes de la région ont besoin.
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