« Les relations entre la France et le Brésil connaissent une nouvelle vitalité » (Ambassadeur au Brésil)

Français à l’étranger: Vous avez récemment pris vos fonctions, quelles sont vos premières impressions ?

Emmanuel Lenain: Je suis fasciné par la dimension, la diversité, la vitalité et la beauté de ce grand pays. La réputation d’hospitalité du peuple brésilien n’est pas usurpée. C’est un honneur et un bonheur que de servir au Brésil. Une partie de l’avenir de la planète s’y joue. Cela rend la mission exaltante.

La France et le Brésil célébreront bientôt les 200 ans de leur relation diplomatique, comment se porte la coopération franco-brésilienne ?

Les relations entre la France et le Brésil connaissent une nouvelle vitalité. Plusieurs visites importantes ont eu lieu en 2023 et d’autres s’annoncent. L’ancienne ministre de l’Europe et des affaires étrangères, Catherine Colonna, s’y était rendue en février 2023, peu de temps après l’ancien ministre délégué Olivier Becht. Le président Lula s’est rendu au mois de juin à Paris où il a vu le président de la République. En 2024, Emmanuel Macron  devrait venir deux fois au Brésil. Il effectuera d’abord une visite bilatérale au mois de mars, puis il participera au mois de novembre au sommet des chefs d’États du G20 dont le Brésil assume la présidence depuis le 1er décembre.

Pour la France, le Brésil est un partenaire de premier plan. Nos deux pays sont liés par une amitié historique qui s’inscrit aussi dans la géographie, puisque la France partage avec le Brésil sa plus longue frontière terrestre, entre l’Amapá et la Guyane. La France et le Brésil partagent aussi une même vision du monde qui s’articule autour de la défense du multilatéralisme et d’un ordre international fondé sur les règles de droit, du maintien de la paix, des droits de l’Homme et des valeurs que nous avons en partage.

Quelle est votre feuille de route pour les prochaines années ?

Elle tient en quelques mots : accélérer, élargir, approfondir. Nous avons tant à faire avec le Brésil. D’abord, nous tirerons profit de la présidence brésilienne du G20 en 2024, puis de la COP30 qui se déroulera à Belém l’année suivante, pour mettre la coopération entre nos deux pays au service de la résolution des grands enjeux globaux. Aujourd’hui, la France partage l’intégralité des priorités définies par le Brésil dans le cadre du G20 : lutte contre les inégalités, protection de l’environnement et réforme de la gouvernance mondiale. Dans l’esprit du Pacte de Paris pour les Peuples et la Planète, le président de la République n’a eu de cesse de le dire : les pays ne doivent pas avoir à choisir entre développement et protection de l’environnement. La France appuie aussi la réforme des grandes institutions internationales, en particulier la candidature du Brésil à un siège de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, dont l’efficacité retrouvée passera par une plus grande représentativité.

L’agenda est aussi économique car les opportunités sont innombrables entre la France et le Brésil. La France est le troisième investisseur étranger et le premier employeur étranger au Brésil. Plus de 1 000 entreprises françaises sont implantées dans ce pays et y emploient près de 500 000 personnes. Et nous devons faire encore plus grâce à la mobilisation des acteurs économiques, qui sera porteuse de croissance et d’emplois pour nos deux pays.

Sur le plan économique, quels sont les enjeux et opportunités pour les acteurs français au Brésil ?

Les liens commerciaux entre le Brésil et la France sont anciens et très étroits, ce qui se reflète dans les chiffres du commerce extérieur. Le Brésil est aujourd’hui le premier partenaire commercial de la France en Amérique latine, devant le Mexique. Ceci étant dit, le Brésil est avant tout une terre d’investissements pour les entreprises françaises. Le stock total d’investissements directs français au Brésil est de 35 milliards EUR. Le Brésil absorbe 71% des investissements français en Amérique latine. Il est devenu la première destination des investissements français dans les pays émergents devant la Chine. C’est un fait remarquable.

Le potentiel de croissance reste important, qu’elle soit organique ou externe. Les concessions et PPP sont un axe important de développement de partenariats commerciaux et d’investissements. Aucun secteur ne doit être exclu a priori même si les opportunités les plus évidentes se situent dans la transition énergétique (énergie renouvelable, minerais critiques, hydrogène vert, carburant de nouvelle génération – SAF), les services urbains essentiels (eau, assainissement, traitement des déchets, mobilités urbaines) dans le cadre notamment des programmes d’investissement publics (« novo PAC ») ou encore le numérique et la tech.
Si l’essentiel des grands groupes français sont présents au Brésil, l’enjeu est aussi aujourd’hui d’attirer plus d’entreprises de taille intermédiaire. Pour ce faire, le programme de réformes et de simplification voulu par le gouvernement brésilien, en particulier la réforme fiscale et la réduction du « coût Brésil », doit être salué car il devrait faciliter la vie des affaires.

Le Brésil sera prochainement sous les feux des projecteurs avec la tenue du G20 à Rio de Janeiro en novembre prochain et de la COP 30 à Belém en 2025. Quels sont les défis pour les acteurs français au Brésil à la vue de ces échéances ?

Ces deux années seront rythmées par une série de rencontres de haut niveau. Rien que cette année, sont prévues une vingtaine de réunions des ministres du G20 et le sommet du novembre auquel participera le président de la République. L’agenda du G20 offre aussi des occasions au secteur privé et à la société civile de participer aux discussions au sein de groupes dédiés et animés par les acteurs brésiliens. Les acteurs français présents au Brésil pourront ainsi valoriser leurs actions dans les domaines prioritaires identifiés par le gouvernement brésilien: l’inclusion sociale et la sécurité alimentaire, la transition énergétique et le développement durable, et l’alignement du secteur financier sur les objectifs de développement durable.

L’année 2025, qui se conclura par la COP30 à Belém, sera aussi une année axée sur les enjeux environnementaux, dans l’espoir de voir les Etats accroître leurs objectifs de transition énergétique et climatique. Le Brésil est porteur d’innovations et de solutions dans de nombreux domaines allant de la protection des forêts, de la bioéconomie, au déploiement des énergies renouvelables et à celles des technologies durables. A ce moment là aussi, les acteurs français seront amenés à valoriser leurs initiatives et réussites au Brésil.

En 2024-2025 auront lieu les saisons croisées entre la France et le Brésil, pourriez-vous nous parler de cette coopération culturelle ?

Lorsqu’ils se sont vus en juin de cette année à Paris, les présidents Macron et Lula ont pris la décision d’organiser ces saisons croisées France-Brésil en 2025. Cette année correspond au 200e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre nos deux pays. Ces Saisons croisées se dérouleront d’abord en France, d’avril à août 2025 : ce sera le printemps du Brésil en France. Puis viendra le printemps de la France au Brésil, de septembre à décembre.

L’ambition que nous partageons est de célébrer l’étroitesse des relations entre la France et le Brésil, dans le domaine culturel bien sûr, mais pas seulement. Notre relation se nourrit de coopérations dans les champs économique, scientifique, universitaire, linguistique, muséale. Autant de champs de coopération que ces Saisons croisées mettront à l’honneur et renforceront.