Face à la baisse régulière de la production et du chiffre d’affaires, l’industrie sucrière a dû se réinventer sur l’île Maurice. Les métiers pénibles pour ramasser la canne dans les champs l’été, en pleine chaleur et humidité, n’attirent plus les jeunes et la mécanisation a ses limites.
Jérôme Jaen vit depuis 15 ans à Maurice. Il est aujourd’hui directeur général pour l’agro-industrie et l’énergie d’Omnicane, l’un des grands acteurs sucriers de l’île. Il explique que pour continuer à exister, l’industrie sucrière a dû se diversifier, et notamment dans la production d’électricité, grâce à la bagasse, le résidu solide de la canne à sucre. « On a des centrales énergétiques avec des efficiences très élevées, ce qui nous permet de produire une quantité d’énergie beaucoup plus importante avec la même quantité de canne. C’est brûlé dans une chaudière, ce qui va produire de la vapeur, entraîner une turbine et produire de l’électricité. »
Jusqu’à il y a quelques années, qu’elles soient au Brésil, en Afrique du Sud ou en Inde, les sucreries cherchaient à tout juste être autosuffisantes en énergie. Aujourd’hui, à elle seule, la centrale d’Omnicane produit près de 20% de l’électricité consommée par toute l’île Maurice, avec un rendement élevé de 100 kw/heure par tonne de canne à sucre. D’autant que la ressource est déjà présente dans l’usine. En pleine saison, elle consomme 30m3 de canne à sucre par heure.
Colonne vertébrale
Jusqu’à présent, l’hiver, puisque la saison de la canne à sucre ne dure que six mois par an, à partir de juillet, la centrale utilisait du charbon, une énergie fossile peu écologique, pour pallier l’absence de bagasse. Mais cette pratique est en train de changer, assure le Français : « Aujourd’hui, avec toutes les questions environnementales, on est en phase de remplacer le charbon par de la biomasse, essentiellement du bois, dont une partie sera locale, et une partie importée. Sachant que l’État mauricien s’est engagé à supprimer le charbon à horizon 2030, et notre objectif est plutôt 2028. »
Les exportations de sucre représentent aujourd’hui à peine 2% du PIB de l’île Maurice, après avoir connu leur apogée au XIXe siècle. Le secteur souffre notamment de la concurrence étrangère. Les prix garantis par l’Union européenne pour le sucre mauricien ont, eux, été abolis au fil du temps.
Les coûts de production ont aussi largement augmenté. Résultat : l’île Maurice produit aujourd’hui environ 250.000 tonnes de sucre chaque année, soit à peine 1% de la production mondiale, mais le pays se place au 8e rang pour la production de sucre raffiné. « Historiquement, rappelle Jérôme Jaen, c’était l’économie principale de l’île Maurice, et au fil du temps, sa part dans l’économie globale a pas mal diminué, mais ça a été la colonne vertébrale de l’économie mauricienne pendant longtemps. Ça a décliné, mais c’est une économie qui a un très gros effet multiplicateur. Si vous regardez tous les produits dérivés, l’électricité, le transport, toutes les valeurs ajoutées générées, ça a quand même encore un poids important dans l’économie, et ça emploie encore pas mal de personnes. »
40.000 hectares de terres sont encore plantés en canne à sucre sur l’île Maurice. La société Omnicane recycle aussi le résidu liquide de la canne à sucre, la mélasse, par distillation, pour en tirer de l’alcool, de l’éthanol pour l’industrie pharmaceutique, ou des fertilisants liquides pour l’agriculture. Même le CO2 produit par le processus de fermentation est récupéré. Il est réutilisé dans l’industrie des boissons gazeuses. Lire et écouter la chronique ici
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La sucrerie Omnicane sur l’île Maurice