Actualités internationales
Réseau EFE : « Le plurilinguisme constitue un vrai argument pour l’attractivité du réseau »
Où en est-on de l’objectif Cap 2030 ? Éléments de réponse avec Matthieu Peyraud, directeur de la diplomatie culturelle, éducative, universitaire et scientifique au ministère de l’Europe et des affaires étrangères.
Français à l’étranger : Quel est l’état des lieux du réseau d’enseignement français à l’étranger en ce début 2024 ?
Matthieu Peyraud : Le réseau compte aujourd’hui 392 000 élèves, ce qui est son plus haut niveau historique et le résultat d’une croissance continue au cours des dernières années. Si cette croissance s’est tassée en 2023 (1,2%), c’est notamment en raison du contexte géopolitique avec des conflits qui impactent certaines de nos écoles. Nous avons par exemple quatre établissements en Israël, un à Jérusalem et un à Ramallah (Cisjordanie). Le travail du ministère de l’Europe et des affaires étrangères étant de protéger le réseau, je précise que nous nous attachons, en lien avec l’AEFE, à assurer la continuité pédagogique même en période de crise. Ces établissements n’ont donc pas fermé. Au Sahel aussi, la situation est peu propice au développement de nos établissements dans certains pays, en particulier au Niger où nous n’avons plus d’ambassade. Mais l’enseignement se poursuit : il est, pour l’heure, dispensé à distance.
D’autres crises moins visibles influent également sur notre activité : notre établissement de Téhéran aurait pu disparaître sous la pression des autorités iraniennes. Il continue pourtant de fonctionner même si ses effectifs ont considérablement baissé, passant de 396 à 82 élèves aujourd’hui. Les autorités locales ont décidé d’appliquer strictement l’interdiction pour les élèves iraniens et binationaux (dont les Franco-Iraniens) de s’inscrire dans une école internationale étrangère, sans possibilité d’obtenir une dérogation.
Le contexte macroéconomique mondial joue-t-il également en votre défaveur ?
L’inflation généralisée et la très forte hausse des prix de l’énergie ont en effet entraîné une augmentation des prix et notamment des frais de scolarité. Nous faisons néanmoins tout pour que cette hausse ne repose pas seulement sur les familles. Par ailleurs, le nombre d’expatriations n’a pas retrouvé son niveau d’avant-Covid et cela se ressent dans nos écoles. Mais il n’y a pas que des mauvaises nouvelles : alors que nous avions perdu beaucoup d’élèves en Asie lors de la pandémie, les chiffres sont de nouveau à la hausse avec 1100 élèves supplémentaires dans nos écoles à la rentrée 2023.
Comment le Quai d’Orsay entend-il poursuivre, dans ce contexte, l’objectif Cap 2030 qui vise à atteindre les 700 000 élèves dans le réseau ?
L’atteinte de cet objectif serait bien sûr facilitée si le contexte venait à s’améliorer. Il est tout de même bon signe de noter que, malgré les vents contraires, le réseau a enregistré une légère croissance à la rentrée. Lors des consultations menées auprès des acteurs du réseau en 2023 par le Quai d’Orsay, des moyens d’accélérer la progression ont par ailleurs été identifiés. Nous avons par exemple décidé de nous concentrer sur des pays cibles (voir l’interview de Claudia Scherer-Effosse) où le réseau peut prospérer.
Nous devons par ailleurs renforcer notre attractivité, ce qui passe notamment par la formation des enseignants. C’est tout le rôle des 16 instituts régionaux de formation qui fonctionnent à plein régime et sont ouverts aux personnels enseignants.
L’homologation d’établissements peut-elle être amenée à évoluer dans le cadre de la poursuite de l’objectif Cap 2030 ?
Il n’est pas question de rendre plus facile l’homologation : celle-ci doit être rigoureuse et permettre de garantir aux parents d’élèves que l’enseignement proposé par nos établissements est le même que celui que leurs enfants recevraient sur le territoire national. Nous souhaitons en revanche rendre plus compréhensible le système d’homologation pour que la communauté éducative puisse mieux s’en emparer. Nos ambassades font d’ailleurs un travail important, en lien avec le ministère de l’Education nationale, pour identifier les établissements qui proposent des cursus en français puis les préparer au dispositif d’homologation.
Quels sont les travaux qui vont vous occuper en 2024 pour continuer le développement du réseau ?
Nous avons deux chantiers prioritaires. D’abord, le plurilinguisme qui constitue un vrai argument pour l’attractivité du réseau. Dans les lycées français de l’étranger, les élèves doivent maîtriser au moins le français, l’anglais et la langue du pays lorsqu’ils terminent leur scolarité. C’est ce qui fait notre différence par rapport à la concurrence. Aujourd’hui, 150 000 élèves du réseau bénéficient par exemple d’un enseignement en langue arabe.
Pour développer le réseau, nous devons par ailleurs accompagner les établissements dans leur politique immobilière à travers trois aspects : l’entretien du parc, la rénovation des locaux aujourd’hui vétustes et l’extension pour accueillir de nouveaux élèves. Tout cela s’effectue avec une vraie rigueur en matière de passation de marchés publics. Les enjeux de sécurité, d’adaptation au développement durable mais aussi de bien-être des élèves sont par ailleurs prioritaires dans ces aménagements. Un travail de planification de ces travaux est effectué pour les établissements en gestion directe, tandis que pour les établissements partenaires ou conventionnés, notre rôle est d’accorder, lorsque les conditions sont réunies, la garantie de l’État sur leurs emprunts immobiliers.
Comment travaillez-vous avec le ministère de l’Éducation nationale pour que le réseau ne pâtisse pas de la pénurie d’enseignants qui existe en France ?
Nous recevons beaucoup de candidatures émanant de personnels en France, mais il y a deux éléments qui limitent le nombre de départs. D’abord, la pénurie d’effectifs en France fait qu’il est délicat pour l’Éducation nationale d’accorder leur détachement à des enseignants dont elle a besoin pour des établissements sur le territoire national. Ensuite, certaines zones où le réseau est présent sont moins attractives que d’autres : soit parce que le pays est en crise, soit parce que le coût de la vie est particulièrement élevé dans ces pays.
Pour pallier ces problèmes, nous souhaitons améliorer notre coordination avec la direction des ressources humaines de l’Éducation nationale pour que les calendriers d’affectation entre la France et le réseau à l’étranger soient mieux articulés et définis dans les mêmes temporalités. Un groupe de travail s’y attèle aujourd’hui. Enfin, nous souhaitons mieux valoriser le passage à l’étranger dans un parcours d’enseignant, sachant que cette affectation à l’étranger est limitée à six ans. Le but est que ces années passées dans le réseau soient bénéfiques tant pour leur carrière que pour l’Éducation nationale.
Le bac français international (BFI) va voir ses premiers titulaires diplômés cette année. Dans quelle mesure les sections internationales permettent-elles au réseau d’être plus attractif ?
C’est un enjeu essentiel et c’est pourquoi le rythme d’ouverture des sections internationales continue de croître : nous comptons aujourd’hui 203 sections internationales et 101 parcours menant au BFI. Ce dernier devrait être mis en valeur dans le dispositif Parcoursup à l’issue de l’année scolaire. Ces sections répondent aux attentes des parents d’élèves qui entendent donner à leurs enfants une éducation plurilingue et la possibilité d’étudier là où ils le souhaitent.
Comment les établissements français à l’étranger s’emparent-ils de l’enjeu de la francophonie à l’approche du Sommet qui se tiendra en octobre 2024 ?
Les lycées français à l’étranger sont l’un des meilleurs outils de la francophonie et vont être des caisses de résonnance du sommet de Villers-Cotterêts (Aisne). « Résonnance », c’est justement le nom que nous avons donné à un appel à projets dans le cadre duquel un certain nombre d’ambassades et d’établissements scolaires ont présenté des projets. Les établissements des pays méditerranéens en ont par exemple présenté un qui s’appelle « La mer, dialogue des jeunesses méditerranéennes ».
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