Il fait encore plus chaud qu’à l’extérieur, où l’air est déjà moite. Une douzaine de personnes s’affairent dans le vaste atelier de 700 m2 de Sébastien Sicot, dans les environs de Saigon, dans la poussière et un vacarme incessant de coups de marteaux frappés sur du métal incandescent.
Cela fait une petite dizaine d’années que le Français vit ici, dans la capitale économique du Vietnam. Ses clients, ce sont de riches commerçants industriels vietnamiens ou des étrangers fortunés. Une de ses plus belles pièces, c’est une copie grandeur nature, sept mètres de haut, du portail du parc Monceau, à Paris. « Ils n’ont pas peur de venir avec une photo du château de Versailles, et savoir si je peux leur faire des choses un peu identiques. Si vous voulez, vous du Versailles, on est à peu près d’accord de parler de la même chose, mais eux, ils veulent ça surtout pour de l’apparat, et on essaie de retravailler sur le côté rationnel des choses. La difficulté, c’est qu’il faut leur expliquer l’approche métier, l’approche technique, la complexité et le temps de travail. »
Sébastien Sicot l’a découvert à ses dépens au début, au Vietnam, tout doit être Feng shui, cet art chinois d’aménager chaque pièce d’une maison pour que l’énergie circule au mieux : « souvent, c’est le mage qui va donner le dernier mot sur la dimension d’un portail, d’une porte, le sens d’un escalier, le nombre de marches d’un escalier, la hauteur d’un escalier et puis la signification des chiffres. Pour nous Européens, on a l’habitude de travailler avec des normes plutôt bien construites. Là, c’est plus de la magie, on est dans des choses qu’on maîtrise moins. »
Fils de ferronnier, ancien compagnon du devoir, Sébastien Sicot, Vendéen, a sillonné la France pendant 10 ans avant d’opter pour l’Asie. « On n’est pas câblés pareil, je pense. On n’a pas du tout le même fonctionnement. Et je pense que quand on parle d’intégration en France, l’intégration c’est d’accepter le Vietnamien comme il fait. Et puis c’est à nous de nous remettre un peu en question, et de regarder ce qu’on pourrait voir avec un œil d’Européen ou de Français comme un défaut, en fait, c’est une coutume, c’est une tradition, c’est quelque chose de différent. »
C’est aussi un passeur. Dans son atelier de Saigon, il forme de jeunes apprentis français et des Vietnamiens qui travaillent main dans la main : « Mon meilleur ferronnier, il y a encore un an et demi, faisait des sushis dans un restaurant japonais. C’est un garçon qui est extrêmement doué, sans parler même la même langue, qui a vraiment le sens du geste, et qui a des doigts en or. C’est de la chance de trouver les bonnes personnes et eux aussi, je pense que c’est aussi une chance de tomber sur une entreprise comme la nôtre qui leur permet d’acquérir des compétences et un métier. »
Marié à une Vietnamienne, père de trois enfants, Sébastien Sicot a trouvé son équilibre ici en Asie. Lui qui raconte qu’il n’a vraiment découvert son père que le jour enfant, où il est entré avec lui dans son atelier de ferronnerie. Lire et écouter la chronique ici