Français à l’étranger : Pouvez-vous expliquer l’importance de l’accord multilatéral sur le télétravail et comment il a été mis en œuvre en 2023 ?
Armelle Beunardeau : Cet accord a fêté ses un an : il est entré en vigueur le 1er juillet 2023. La France et 17 autres États en étaient signataires (Allemagne, Autriche, Belgique, Croatie, Espagne, Finlande, Liechtenstein, Luxembourg, Malte, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République tchèque, Slovaquie, Suède, Suisse), rejoints ensuite par quatre autres pays (Slovénie, Italie, Lituanie et Irlande). Cet accord est donc appliqué aujourd’hui dans 21 pays : il permet à un télétravailleur de résider jusqu’à 50% dans son État de résidence sans changer de législation applicable. En d’autres termes, cet accord concerne les transfrontaliers. Il y a, néanmoins, pour l’heure, assez peu de demandes : nous en avons reçu une soixantaine côté français.
Comment le Cleiss a-t-il géré les défis administratifs et de protection sociale liés à l’arrivée des réfugiés ukrainiens ?
La demande de traductions d’ukrainien et de russe continue à être importante sur les premiers mois de l’année 2024 : nous avons recensé plus de 30 000 demandes dont près de 26000 en ukrainien et 5000 en russe, sachant qu’une partie des ukrainiens est russophone. A titre de comparaison, sur la période 2015-2017 nous recevions autour de 3000 demandes par an pour les deux langues confondues. Cette demande a donc été multipliée par dix, ce qui a un impact budgétaire : nous avons consacré 483 000 euros aux traductions réalisées en externe, ce qui représente plus de 50% du budget des traductions externalisées. Je précise qu’il s’agit de langues pour lesquelles il n’est pas toujours aisé de trouver des traducteurs, celles-ci sont donc chères.
Quels ont été les impacts de la reprise des échanges internationaux sur les activités du Cleiss ?
La reprise des relations bilatérales est une bonne nouvelle pour le Cleiss car celles-ci sont au cœur de nos activités et que ces échanges permettent de résoudre des dossiers parfois bloqués depuis longtemps, et de résoudre des problèmes concrets. L’année 2023 a en effet été très riche en la matière et l’année 2024 a également bien commencé :
- Nous nous sommes réunis en commission mixte avec la Tunisie en mai dernier pour évoquer notamment la dématérialisation des échanges ;
- Avec le Brésil, nous continuons à travailler sur la dématérialisation des formulaires de pension ce qui doit permettre à terme de limiter les délais de traitement et le risque de pertes de dossiers ;
- L’accord bilatéral de sécurité sociale signé entre la France et la Serbie en 2014 est enfin entré en vigueur en décembre 2023.
- Deux cycles de négociations avaient été lancés au moment de la crise sanitaire avec la Colombie et la Moldavie : nous espérons reprendre ces négociations cette année.
Pouvez-vous détailler la contribution du Cleiss aux travaux sur les échanges électroniques européens et quels sont les bénéfices attendus de ces initiatives ?
Le système EESSI qui a été rendu obligatoire par la Commission européenne ne concerne pas directement l’assuré. Il s’agit d’un système qui permet à tous les organismes des pays européens d’échanger entre eux. L’objectif est de sécuriser les échanges, de pouvoir les tracer, de limiter les délais, d’harmoniser les formulaires et de les traduire automatiquement. Ce système permet par ailleurs à tous les organismes européens, grâce à un annuaire géré par le Cleiss, de déterminer de quel régime dépend l’assuré et quel organisme est compétent pour gérer la demande, que ce soit une demande de pension, de prise en charge de soins, etc. Ce système permet donc de suivre en intégralité un dossier et de pouvoir informer l’assuré sur les délais de traitement.
Dans ce cadre, le rôle du Cleiss est double. D’abord, nous répondons aux demandes des organismes étrangers en tant qu’organisme de liaison et nous pouvons les orienter vers l’organisme français compétent. Ensuite, nous avons la maîtrise d’ouvrage pour le système EESSI. Nous organisons donc tous les mois des comités de suivi de production avec les organismes français, des réunions techniques, nous tenons au courant ces organismes des actualités dans les pays étrangers : si l’un d’entre eux passe à un système électronique par exemple. Enfin, le Cleiss représente la France dans le « technical board » du groupement inter-Etats : la Commission s’étant désengagée de la partie nationale du système, la maintenance est prise en charge par les États.
Votre dernier rapport d’activité mentionne un nombre record de fréquentations du site internet du Cleiss. Comment l’expliquez-vous ?
2023 a en effet été une année exceptionnelle et c’est en grande partie dû à l’actualité. Lorsqu’il y a une réforme des retraites en France, nous constatons toujours un pic de fréquentations. En effet, nous publions des tableaux comparatifs des âges de départ à la retraite en Europe et ces pages sont très consultées : il y a eu plus de dix fois plus de visiteurs en 2023 ! La présentation du système de retraite français – traduite en cinq langues – a également été très consultée. Fin 2023, un retour à la normale a néanmoins été constaté avec un retour à notre moyenne habituelle : environ 300 000 visiteurs par mois.
Quels sont les principaux défis rencontrés pour la production de statistiques plus précises sur la protection sociale en Europe ?
Cette année, nous avons eu une hausse des chiffres due principalement au fait que nous avons pu pour la première fois intégrer les chiffres des fonctions publiques. En effet, un certain nombre de fonctionnaires prennent leur retraite à l’étranger. Le but cette année est par ailleurs de donner plus d’éléments de contexte dans notre rapport statistique. Nous espérons pouvoir donner des chiffres plus détaillés par sexe et par tranche d’âge sur nos compatriotes qui résident à l’étranger.